Mobilisez-vous !
dans l’hebdo N° 960 Acheter ce numéro
Qu’est-ce qu’une action collective ? Qu’est-ce qu’un mouvement social ? Quelles évolutions ont connues les mobilisations collectives en termes de finalités et de formes organisationnelles depuis plus d’un demi-siècle ? Surtout, quelles lectures en ont proposées les différentes écoles de sociologie, en particulier depuis l’essoufflement du mouvement ouvrier classique et des « nouveaux mouvements sociaux » des années 1970 ?
Ce sont là quelques-unes des questions auxquelles répond Daniel Cefaï, sociologue à l’université Paris X, dans un imposant volume qui vient de paraître dans la collection du Mauss (Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales), à La Découverte. Dans ce stimulant travail de synthèse, l’auteur s’attache en effet à retracer l’évolution, sur plus d’un siècle, aussi bien des types d’actions collectives que des nombreuses analyses produites par les grands courants de la sociologie des mobilisations. À partir des écrits sur la « psychologie des foules » de Gustave Le Bon et de ceux de Gabriel Tarde à la fin du XIXe siècle, au moment où l’on observe les premières formes de revendications collectives, le sociologue chemine au fil de l’histoire de sa discipline, depuis la première école de Chicago des années 1920 (et sa tradition du « comportement collectif ») puis de celle de « l’interaction stratégique » après la Seconde Guerre mondiale, jusqu’aux travaux d’Alain Touraine sur les mouvements sociaux ou de l’Italien Antonio Melucci à partir des années 1960.
L’une des grandes qualités du volume est justement de ne pas se limiter à une approche française, en s’attachant à multiplier les lectures de chercheurs anglo-saxons, allemands, italiens, espagnols, etc. À l’heure du « mouvement » altermondialiste – terme sur lequel on peut à juste titre s’interroger – et de la multitude des formes d’organisation empruntées par l’action collective, l’ouvrage de Daniel Cefaï ouvre de nouvelles perspectives d’analyse, tout en se revendiquant de l’héritage d’Erving Goffman et de la sociologie culturelle américaine. Sans doute parce que bien des mobilisations aujourd’hui tiennent au moins autant à la « culture » partagée par leurs acteurs qu’aux classes sociales.