Au rayon des labels

Les premiers produits portant le logo Ecocert ESR – pour « équitable, solidaire, responsable » – devraient apparaître bientôt dans les magasins. Une étiquette de plus dans un paysage déjà bien occupé.

Philippe Chibani-Jacquot  • 30 août 2007 abonné·es

Difficile de se réjouir ou de s’affliger, a priori , de l’annonce d’un nouveau label pour le commerce équitable. En l’absence d’un référentiel public, mais avec les critiques des labels privés existants (Max Havelaar, Bio équitable, etc.), un nouveau système de garantie peut faire avancer le débat sur la diversité des approches de l’équité dans le commerce. Mais, pour le consommateur, c’est un logo de plus qu’il lui faut décrypter. Or le nom paraît ambitieux, puisqu’il aligne les termes « équitable, solidaire et responsable ».

Illustration - Au rayon des labels


Les produits équitables ne sont garantis que par des labels privés. DANIAU/AFP

Ecocert, créé en 1991 par des promoteurs de la bio, est le leader français du contrôle du label AB. C’est aussi un « OC », un organisme de contrôle et de certification accrédité par les pouvoirs publics, actif dans 80 pays et disposant de bureaux permanents dans 23 pays, principalement au Sud. Ce statut lui offre une légitimité à créer et à contrôler des référentiels qualitatifs. Pour autant, le label ESR reste une marque privée au même titre que Max Havelaar. Ecocert a suivi l’orthodoxie méthodologique d’un OC en instituant un groupe de travail représentatif (producteurs du Sud, importateurs, distributeurs, ONG, associations de consommateurs), mais l’OC ne s’est pas, pour le moment, engagé dans une procédure de reconnaissance du référentiel ESR auprès des pouvoirs publics. Ecocert ne délivrera donc pas de certification ESR mais une « attestation », afin de respecter la lettre des réglementations françaises.

Avec ESR, Ecocert dispose d’un référentiel adaptable à tout type de produits, alimentaires ou non, dès lors que « l’importation ne se fait pas au détriment de producteurs locaux en France », précise Thierry Schlumpf, responsable Environnement et société d’Ecocert ; « Et nous faisons bien comprendre, lors de l’engagement, qu’en l’absence de vision filière il ne peut y avoir d’attestation », ajoute-t-il.

Cette approche filière constitue l’originalité du label ESR. Ecocert intègre des critères comme la rémunération à un prix juste à toutes les étapes de production qui se déroulent dans un pays du Sud, ainsi qu’un engagement à la contractualisation sur plusieurs années entre les opérateurs, qui doivent rester en nombre limité. Cela ne signifie pas pour autant que tous les opérateurs de la filière seront des groupements de producteurs ou d’artisans défavorisés au sens du commerce équitable. D’ailleurs, le fonds social, c’est-à-dire la prime de développement qui s’ajoute à la juste rémunération, ne bénéficiera qu’au producteur de la matière première. En définitive, le label ESR garantit au moins un maillon de la chaîne équitable, les autres devant répondre au minimum à des exigences de responsabilité sociale comme le respect des conventions de l’Organisation internationale du travail. Les critères environnementaux sont relativement développés, jusqu’à imposer la conversion bio pour la culture très polluante de produits comme le coton et la banane.

Le transport reste le maillon faible. Et si l’ultime étape de la distribution est aussi contrôlée, cela n’ira pas plus loin que le constat de l’absence de marges arrière et de marges avant supérieures à des produits conventionnels équivalents.

Pour élaborer le référentiel, Ecocert s’est appuyé sur les différentes définitions existantes du commerce équitable, comprenant la définition de FINE (regroupement des différentes associations internationales du commerce équitable), ainsi que l’accord Afnor AC X50-340, issu des travaux de consultation menés par l’Agence française de normalisation. Cette base large relève de l’approche consensuelle propre à un OC. Toutefois, cela ne permet pas d’obtenir un cahier des charges et des critères de contrôle les plus ambitieux. Ainsi, Minga n’a pas participé au groupe de travail du fait de cette référence à l’accord Afnor, dans lequel le réseau ne se reconnaît pas. D’autres, au contraire, comme l’Association Force ouvrière des consommateurs (Afoc), ont vu un intérêt dans la démarche d’un OC accrédité. Et si l’Afoc s’est d’abord réjouie, elle regrette de n’avoir pas été entendue sur sa proposition de répartir le surcoût d’un produit équitable sur les marges des différents opérateurs en aval et pas uniquement sur le consommateur final, « car, aujourd’hui encore, qui assume la charge financière de la solidarité véhiculée par le produit équitable ? C’est le consommateur » , lance Étienne Defrance, juriste à l’Afoc.

Cela faisait plusieurs années qu’Ecocert souhaitait entrer sur le créneau du contrôle des filières équitables. Un premier pas avait été franchi lorsque l’OC avait répondu favorablement à l’association Bio équitable, qui souhaitait créer son label. Aujourd’hui, Ecocert dispose de son propre cahier des charges. Cela répond à la demande de centaines de ses clients à travers le monde qui souhaitaient adjoindre une certification équitable à la certification bio. Mais aussi « ce référentiel est l’occasion pour certains, qui attendaient une alternative à l’offre actuelle, de se lancer » , avance Thierry Schlumpf.

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