Une loi sous pression

Alors que la crispation entre anti et pro-OGM a été particulièrement forte cet été, Jean-Louis Borloo annonce une loi à brève échéance
sur les cultures transgéniques.

Patrick Piro  • 30 août 2007 abonné·es

Bientôt un déblocage de la situation des OGM en France ? Jean-Louis Borloo, dont le grand ministère de l’Écologie a des prérogatives sur le dossier des transgéniques, a poussé un coup de gueule calculé, la semaine dernière, en estimant sur RTL que la France se trouve « dans une situation complètement hypocrite. On n’a pas osé faire de loi pour transcrire la directive européenne, on a fait un décret » . « On va faire une loi » , a donc indiqué le ministre, présentant même cette « avancée » comme une retombée préliminaire au Grenelle de l’environnement.

Illustration - Une loi sous pression


Une militante dépose un épi de maïs OGM sur le site régional de la firme Monsanto, à Monbéqui, le 25 août. CABANIS/AFP

Une annonce opportuniste. En effet, les deux décrets en question, signés à la sauvette par le gouvernement Villepin en mars dernier, à quelques jours de la fin de son mandat, ne mettaient nullement la législation française en règle avec la directive européenne de 2001 imposant un encadrement des cultures commerciales d’OGM en plein champ. En particulier, ils n’imposent aux agriculteurs qu’une obligation très partielle de déclarer leurs semailles transgéniques, et ne règlent aucun des problèmes posés par la contamination des champs voisins [^2]. L’État français, sous le coup de lourdes sanctions financières pour défaut de transcription de la directive, ne peut donc échapper à la rédaction très rapide d’une loi en bonne et due forme.

Le ministre saisit aussi l’occasion de d’occuper le terrain face au ministre de l’Agriculture, Michel Barnier (plutôt favorable aux transgéniques), et surtout d’apporter une réponse aux confrontations entre anti et pro-OGM, qui ont rythmé un été particulièrement tendu dans les champs.

En effet, alors que 21 000 hectares de maïs Mon 810 de Monsanto (le seul OGM alimentaire autorisé en culture commerciale) ont été semés au printemps dernier (quatre fois plus qu’en 2006), plusieurs centaines de faucheurs volontaires ont à nouveau endommagé, pour la quatrième année, des parcelles expérimentales ou de cultures commerciales. Changement de tactique : moins de destruction de plants, au profit de nouvelles pratiques ­ prélèvement d’épis déposés en préfecture, pollinisation de parcelles transgéniques par des variétés traditionnelles, etc.

Ensuite, un événement dramatique a fait basculer le conflit sur le terrain passionnel : le 5 août, un paysan de Girac (Lot) se suicide alors qu’une manifestation anti-OGM risquait de révéler qu’il cultivait secrètement du maïs OGM. Si le drame a été exploité par le syndicat agricole majoritaire FNSEA, il a aussi probablement joué en faveur de sa récente demande d’un débat parlementaire sur les cultures OGM. Il n’a en tout cas pas entamé la détermination de José Bové, toujours à la merci de l’exécution d’une peine de quatre mois de prison ferme pour de précédents fauchages. À l’occasion du 20e anniversaire de la Confédération paysanne, le 18 août, il a réclamé la poursuite des destructions de parcelles OGM. Gain symbolique : il a été reçu avec d’autres faucheurs, fin juillet, par la secrétaire d’État à l’Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, depuis longtemps réticente face aux transgéniques.

La soudaine accélération du gouvernement, si elle a réjoui la fédération France Nature Environnement, est surtout un contre-feu à la dégradation de la situation, de plus en plus intenable. Rien n’indique à ce jour qu’une « loi Borloo » irait aussi loin que le souhaitent les écologistes, qui exigent un moratoire de cultures transgéniques (rejeté par Nicolas Sarkozy), cultures qu’une large majorité de Français refusent. En brusquant le calendrier ­ il envisageait la semaine dernière de régler la question en trois semaines ­, le ministre pourrait même couper l’herbe sous les pieds du Grenelle de l’environnement, qu’il définissait comme le cadre approprié pour trancher la question des OGM, « à l’issue d’un véritable débat de société, dans un climat serein
[^3] ».

En effet, les acteurs de cette vaste concertation ont fini par obtenir que soit constitué en son sein un groupe de travail spécifique sur les OGM, alors que ce dossier emblématique avait été dans un premier temps circonscrit à ses seuls aspects sanitaires, déconnecté des questions agricoles. Mais, bien que le Grenelle ne doive déboucher que fin octobre, Jean-Louis Borloo semble déjà vouloir saisir ce groupe de travail d’un projet de loi, à l’occasion de la réunion qu’il tiendra le 10 septembre au ministère de l’Écologie. Les associations se plaignent depuis le début du processus des délais très courts dont ils disposent pour travailler convenablement. Une saisine aussi prompte ne risque pas de corriger leur appréciation.

[^2]: Voir Politis n° 940 (22-02-07).

[^3]: Dans un communiqué conjoint avec le ministre de l’Agriculture, au lendemain du suicide de l’agriculteur de Girac.

Écologie
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