Courrier des lecteurs Politis 967
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Vive le rugby !
Bravo à Denis Sieffert d’avoir pour une fois mis le sport à l’ordre du jour dans Politis et d’une manière fort sensée.
Permettez-moi néanmoins d’apporter quelques réflexions personnelles, notamment sur votre article. Le dopage n’est pas uniquement le corollaire du fric. L’orgueil humain, la fierté, la lutte avec soi-même sont quelquefois suffisants pour se doper. Exemple illustre : les contrôles faits par les Suisses il y a quelques années sur des randonneurs et alpinistes partis pour marcher ou escalader des sommets, sans aucune notion de compétition ni de médiatisation ou de gloire. Eh bien, le pourcentage de dopés, contrôlés à leur retour, augmentait avec l’altitude à laquelle ils avaient grimpé ! Vous me rétorquerez, bien sûr, que ce dopage-là, au moins, ne fausse pas les règles d’une compétition, ne prive pas un adversaire d’un titre et de ses retombées. Mais quand même ! Vous dites fort justement que le rugby de haut niveau n’entraîne pas (encore ?) les excès du foot de haut niveau, notamment en ce qui concerne le hooliganisme. Mais, chez moi, à Colmar, en fédérale 3, je puis vous affirmer qu’il n’y a guère de match sans bagarre générale et plusieurs petites bagarres par ci par là. Ce qui est donc vrai pour le rugby pro (encore que je n’apprécierai jamais les gars qui frottent leurs crampons sur des copains à terre lors des mêlées ouvertes) ne l’est pas du tout pour le petit niveau, où le foot entraîne beaucoup moins d’incidents. Il faut donc relativiser cette notion de « pureté ».
Vous faites bien apparaître à plusieurs endroits que le rugby ne sera jamais aussi universel que le foot. C’est un doux euphémisme. Que dire d’une Coupe du monde où on est obligé d’inviter la Géorgie pour avoir 20 équipes ? En Alsace, le rugby, même à la télé, restera toujours anecdotique. En cinquante ans de fréquentation des stades dans tous les sports, je n’ai guère entendu parler de rugby, alors que le Racing, bien sûr, le foot, la SIG en basket, Poulidor, Anquetil, Jalabert, Mehdi Baala ont passionné ou passionnent encore. Grâce à Roger Couderc, le rugby a été exagérément télévisé, vu son audience, et continue à l’être.
Et encore, du temps de Couderc, avec les Boniface et Jacky Bouquet le plus beau joueur que j’ai connu , il y avait du spectacle (je regardais tous les matches du Tournoi dans le bistrot de mon village). Alors qu’aujourd’hui, contrairement à ce dit Simon, le jeu est beaucoup trop défensif, de l’avis même des gens du Sud qui ont créé le club à Colmar.
Bien sûr, en foot aussi, avec l’augmentation des capacités physiques de l’être humain, les prouesses d’un Kopa, d’un Di Stefano ou d’un Pelé ne sont pas plus possibles que celles d’un Bouquet. Mais certains matchs de foot restent quand même regardables.
Voilà ces quelques réflexions. Merci pour la qualité de votre journal. Malheureusement, le groupe Unis avec Bové auquel j’ai participé ce printemps s’est évaporé. Mais je n’ai pas renoncé à refaire quelque chose, notamment pour Politis , si ça vous intéresse toujours, lorsque je serai à la retraite, ce qui ne saurait tarder.
René Kuhn, Colmar (Haut-Rhin)
Du discours gauchiste à la réalité…
Avant de proposer ma critique, je me situe : je suis conseiller général Verts (on est une dizaine en France), j’ai 36 ans et je suis de très loin le benjamin de mon assemblée.
Je partage complètement l’analyse de Denis Sieffert sur la dérive potentielle du PS : on sent bien qu’en l’absence d’un vrai projet et d’une critique des pratiques politiques, il court vers le grand ventre mou qu’est le centre, qu’il ose nommer social-démocratie. Mais ma différence avec Denis Sieffert est que je n’ai jamais cru une seconde qu’une gauche de la gauche unie et plus combative pourrait peser utilement sur le PS. Mes quinze années de militantisme et ma plus récente fonction d’élu me font penser qu’avant même le projet, ce sont les pratiques politiques qui posent problème. J’ai assisté à trop de guéguerres intestines entre les quelques militants associatifs et politiques du « mouvement social » de ma ville, à trop de manipulations, pour penser que la gauche de la gauche pourra un jour proposer une alternative crédible. Dans l’assemblée départementale dans laquelle je siège, nous ne sommes que trois élus Verts à voter contre les énormes subventions aux grands groupes privés. Les huit élus communistes votent pour… Ce qui ne les empêche pas quelques jours après de faire de grands discours enflammés sur la scène d’un meeting de la gauche antilibérale. Je pense que le vrai problème est plutôt de définir un projet de gauche crédible et réaliste et de tout faire pour le mettre en oeuvre plutôt que de faire dans la surenchère pour finalement renoncer à l’essentiel. Je ne me définis pas comme « antilibéral », et pourtant je fais un travail de fond pour limiter les transferts d’argent public aux groupes capitalisés. Nous avons même obtenu à Grenoble la remunicipalisation de l’eau, à partir d’une réflexion sur les limites de l’économie de marché. C’est ça, le vrai débat !
Mais il faut aussi travailler sur les pratiques politiques (non-cumul des mandats, bilans réguliers devant les électeurs, soutien aux initiatives citoyennes, renouvellement des élus…), parce qu’il est évident que la fonction élective produit sa propre inertie et son conservatisme.
Toujours ramener l’analyse politique à une opposition entre la vraie gauche et les sociaux-traîtres est un leurre : il y a autant de conservatisme et de personnes pas fréquentables sous les deux étiquettes. Un exemple dans mon parti : Denis Baupin (dont je ne suis pas un proche) a instauré un réel rapport de force avec les socialistes parisiens, alors qu’il est considéré comme un « réalo » sensible au PS, alors qu’à la gauche des Verts, il y en a un certain nombre qui n’ont pas su ou pas voulu le faire. Certains ont même négocié des accords locaux avec le PS lors des dernières législatives contre la position nationale.
Je lis Politis chaque semaine, mais, vous l’aurez compris, j’enrage de voir ressortir souvent les mêmes vieilles lunes : Je pense que la rénovation de la gauche demandera avant tout de l’imagination et une vision globale de la société dans ses dimensions sociologique, psychologique, culturelle, etc., alors qu’on a trop tendance à voir la politique comme une sphère autonome. Elle devra aussi mettre fin à l’archaïsme du système politique notabilaire français. Sans ça, point de rénovation.
Olivier Bertrand, Grenoble
La Bretagne, les Bretons et notre président
Je suis bretonne, et j’ai appris, d’après le livre de Yasmina Reza, que Nicolas Sarkozy aurait dit « se foutre des Bretons et que ça ne l’intéressait pas de venir voir dix connards qui regardent des cartes toute une journée » et autres amabilités. Fermez le ban ! Depuis, l’Élysée a démenti…
Je pense que si M. Sarkozy « n’en avait rien à foutre » des Bretons le 1er mai, c’est que le premier tour de l’élection présidentielle était passé par là, et que la Bretagne est l’une des régions qui ont le moins voté pour lui, et que nous lui avons ainsi montré que, nous aussi, on se fiche de lui !
Une deuxième raison est peut-être aussi que la Bretagne n’est pas une région où la frime règne en maître, et les fesses pauvres et les fesses riches ont le droit de se poser sur le même sable des mêmes plages sans payer. Je pense que nous ne sommes pas assez « bling-bling » pour notre président…
De plus, oser traiter de « connards » les gars du Cross Corsen, qui veillent jour et nuit sur la sécurité des bateaux qui passent dans une zone super dangereuse est proprement scandaleux !
Mais le summum a été atteint lorsque, dernièrement, après le décès en mer d’un patron-pêcheur, il est venu aux obsèques dans le Finistère ! Comme l’a dit avec pertinence une journaliste de France 3 Bretagne, dans un reportage sans complaisance sur les propos de Sarkozy : « Était-ce une façon de se rattraper ou une hypocrisie de plus ? »
Quoi qu’il en soit, ses propos ont fait du bruit et pas seulement à Landerneau, comme on dit en Bretagne, et j’espère que les Bretons sauront encore s’en souvenir dans les urnes.
Merci pour votre journal. Nous allons en avoir besoin !
Françoise Ruellan, Saint-Malo (Ille-et-Vilaine)