Faillite politique
dans l’hebdo N° 969 Acheter ce numéro
À Calvi, lors d’une dégustation de vins corses, François Fillon voulait recourir à une « image forte » . Sagement assis aux côtés d’exploitants agricoles et prêt à prendre la fourchette, le Premier ministre a abordé la grave question de la dette nationale, devant les caméras de télévision et les agences de presse. François Fillon explique à ses voisins de table qu’il est « à la tête d’un État qui est en situation de faillite » . Et il en rajoute : « Je suis à la tête d’un État qui est depuis quinze ans en déficit chronique, je suis à la tête d’un État qui n’a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans. Cela ne peut pas durer. »
De tels propos ne pouvaient que déclencher polémiques ou soutiens, quelques jours avant la présentation par le gouvernement du projet de loi de financement de la Sécurité sociale et du projet de budget pour 2008. Ce n’est donc pas un hasard si Christine Lagarde a soutenu le Premier ministre. La ministre de l’Économie s’était distinguée début septembre en évoquant un « plan de rigueur » pour l’État. Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, a aussi profité de cette occasion pour dire que le chef du gouvernement a eu « raison de le souligner » : « Les finances françaises sont en très grande difficulté. »
La dette publique est depuis des décennies l’alibi des réformes prônées aujourd’hui par Nicolas Sarkozy. Mais François Fillon ne manque pas d’aplomb en parlant de la faillite de l’État. Les politiques économiques néolibérales ont par le passé creusé la dette en réduisant les recettes fiscales et en cassant la croissance [^2]. Les périodes où ces politiques se sont déployées (1993-1997 et 2002-2005) sont aussi celles où François Fillon était ministre. La dette publique a littéralement explosé entre 1993 et 1997 (58,7 % du PIB), sous le gouvernement Balladur. En 2003, malgré les réformes, la dette publique franchissait la barre des 60 %. C’est sans doute de la faillite politique des idées néolibérales que voulait parler François Fillon.
[^2]: Lire Dix Questions à Liêm Hoang-Ngoc sur la dette, éditions Michalon, 104 p., 10 euros.