La longue marche du PCF

Après trente ans de déclin électoral ininterrompu, les communistes sont confrontés à une question existentielle. Dont dépend la perspective d’une force politique nouvelle à gauche.

Clotilde Monteiro  et  Michel Soudais  • 13 septembre 2007 abonné·es

Triste fête. Cinq mois après le score désastreux de Marie-George Buffet, les communistes ont encore la gueule de bois. La secrétaire nationale du PCF, elle-même, reconnaît que son 1,93 % à la présidentielle est « source de profonds questionnements » . Et ne cache plus l’ampleur du désastre : « Un chapitre de l’histoire du communisme français s’est terminé » , a-t-elle déclaré le 30 août devant 300 militants réunis au parc de La Courneuve, en prélude à la fête de l’Humanité, qui se tient ce week-end. Ce qui ne signifie pas, dans son esprit, qu’il faille nécessairement « refermer le livre » , mais plus vraisemblablement « entamer un nouveau chapitre » .

Illustration - La longue marche du PCF


Marie-George Buffet et Patrick Le Hyaric, directeur de « l’Humanité », le 30 août à La Courneuve.
KOVARICK/AFP

À quoi celui-ci devrait-il ressembler ? La direction du PCF reste évasive. Pour l’heure, Marie-George Buffet se contente d’affirmer que « le statu quo n’est pas possible » , que « le PCF, comme les autres forces de gauche, est au pied du mur » . Que des débats inventifs et audacieux, sans tabou « ni censure » , à la fois au sein de la gauche
[^2] et à l’intérieur du PCF, sont nécessaires. Et que les « problèmes ne peuvent se résoudre d’un coup » .

Après trente années de déclin électoral ininterrompu, les camarades sont en effet confrontés à une question d’ampleur : faut-il sauver le parti ? Sauver le communisme ? Ou, plus largement, chercher à préserver une force de transformation sociale ? La secrétaire nationale du PCF n’exclut pas un changement de nom, une question longtemps taboue. Patrice Bessac, porte-parole du PCF, veut rompre avec une « méthode de congrès » qui privilégie le consensus plutôt que les choix clairs. Encore ces pistes de réflexion ne sont-elles que l’écume d’une remise en cause profonde. La question du dépassement du PCF et de la construction d’une force politique nouvelle, récemment encore défendue par les seuls « refondateurs », est désormais évoquée par d’anciens proches de Robert Hue et jusque dans les rangs de la direction actuelle.

Auteur d’un essai qui paraît ces jours-ci, Communisme, l’avenir d’une espérance (Calmann-Lévy), Patrice Cohen-Séat, membre de l’exécutif, veut tout remettre à plat. D’accord sur ce point, Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, critique plus volontiers le comportement récent de son parti… L’ancien ministre communiste Jean-Claude Gayssot se prononce pour la création d’une nouvelle formation politique. Celle-ci pourrait réunir, outre les communistes, des « altermondialistes, écologistes, humanistes » , a-t-il indiqué dans un entretien à l’Humanité (7 septembre), pour « construire une formation où se retrouveront toutes celles et tous ceux qui refusent que le monde soit une simple marchandise » . Et ne devra pas être « sous le label ou la houlette » du PCF. Un point sensible.

Hostile à la création d’un nouveau parti lancé « comme une marque de lessive » , Patrice Bessac souhaite la construction d’un « front des gauches » de Jean-Luc Mélenchon au PCF, « dans l’autonomie de chacun » . Ce qui signifie que le PCF resterait libre de retirer ses billes à tout moment, comme lors de la tentative de regroupement de la gauche antilibérale… Les vieux réflexes ont la vie dure.

Si la perspective d’aller vers une force politique nouvelle gagne du terrain, ce n’est pour l’instant qu’ « une idée fourre-tout » , avertit Pierre Zarka. Certains ne l’envisagent d’ailleurs que comme un contre-feu à l’offensive de la LCR, qui envisage de son côté de construire un nouveau parti anticapitaliste et révolutionnaire. Réunie le week-end dernier, la direction nationale du parti trotskiste s’est donné un délai supplémentaire. Mais propose de constituer aux municipales de mars 2008 des listes anticapitalistes, avec un sigle commun, opposées à la politique du gouvernement et indépendantes du Parti socialiste, en pariant sur la mobilisation de tous ceux qui se sentent orphelins politiquement : jeunes, salariés précarisés, chômeurs, habitants des quartiers, etc. Elle appelle aussi à la constitution de « comités de résistance » unitaires contre la politique du gouvernement. Autant d’étapes vers son nouveau parti. Quelles qu’en soient les motivations, le débat sur la nouvelle force « est sur la table » , se félicite le syndicaliste Claude Debons. Avec ses amis du club Maintenant à gauche, qui organiseront le 20 octobre un forum-débat sur le sujet, il entend bien profiter de la fête pour « enfoncer le clou » . Tout comme les amis de Jean-Luc Mélenchon, dont le club Pour la République sociale disposera d’un stand important. « L’heure est venue de mettre le pied sur l’accélérateur » , abonde Éric Coquerel, du Mars.

Le grand remue-méninges, qui commence ce week-end à La Courneuve et se poursuivra jusqu’au congrès ordinaire de la fin 2008, en passant par le « congrès extraordinaire » prévu en décembre, concerne certes les communistes au premier chef. Mais ce qui s’y joue les dépasse déjà et intéresse l’ensemble de la gauche qui ne se résigne ni au renoncement ni à la contestation stérile.

[^2]: Samedi, à 16 h, un débat devrait ainsi opposer Marie-George Buffet, François Hollande, Cécile Duflot et Olivier Besancenot.

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