Paris audacieux
Comme d’autres villes pionnières en France, la capitale adopte un plan climat doté d’objectifs ambitieux. Sur fond de rupture calculée entre le maire socialiste et ses alliés Verts.
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Paris : 3,5 % de la population française, mais 7 % des émissions de gaz à effet de serre. Comme d’autres collectivités territoriales (voir encadré), la municipalité va débattre, les 1er et 2 octobre, de l’adoption d’un « plan climat ». Avec un retard de trois mois sur le calendrier initial, mais ceux-ci ont été mis à profit pour rehausser une ambition que les élus Verts jugeaient insuffisante. À l’arrivée, certains engagements dépassent largement ceux de l’Union européenne, dans le périmètre de compétence de la ville, mais aussi pour l’ensemble du territoire parisien, secteur public et privé. Pour 2020, Paris projette ainsi de réduire de 25 % les émissions globales de CO2 de la ville (par rapport à leur niveau de 2004) [^2], et de 30 % celles du domaine municipal bâtiments, véhicules, logements sociaux, éclairage public, etc. , dont la consommation serait couverte à 30 % par des énergies renouvelables.
Denis Baupin mènera la liste des Verts à Paris, au premier tour des municipales de 2008. TANNEAU/AFP
Point clé, la rénovation des bâtiments anciens. Sur les 100 000 immeubles de logement privés (1,3 million d’appartements), plus de 85 % ont été bâtis avant 1975 (contre 62 % en moyenne en France), date d’entrée en vigueur de la première réglementation imposant l’isolation des bâtiments. Résultat, le parc de logements parisiens consomme 30 à 50 % d’énergie de plus que la moyenne française, et est le premier émetteur de CO2 de la ville, avec 27 % du total. Les propriétaires seront incités à rénover, avec l’exigence de parvenir à diviser la consommation d’énergie par trois ou quatre d’ici à 2050. Côté municipalité, 25 % des 220 000 logements sociaux (les moins isolés) seront réhabilités avant 2020.
Côté transports, la ville compte réduire de 10 % en trois ans son parc de voitures, qui sera à terme converti au moteur hybride. Dès l’an prochain, 15 % des repas servis dans les cantines scolaires et les restaurants administratifs seront bios [^3].Un vaste programme de plantation de végétaux sera engagé. Et Paris, qui accueille chaque année jusqu’à 27 millions de touristes, envisage de leur appliquer une taxe de « compensation carbone ».
Ce plan climat marque le point culminant d’une activité environnementale qui devrait rester comme la principale marque de fabrique du mandat de Bertrand Delanoë. Aussi, s’il consacre les efforts d’une cogestion PS-Verts, il donne aussi aux deux alliés municipaux l’occasion d’une rupture ouverte à six mois des municipales. Prenant acte de la volonté des Verts de présenter une liste au premier tour, menée par son adjoint aux transports, Denis Baupin, Bertrand Delanoë revendique la paternité des couloirs de bus protégés, du tramway, de Vélib’, etc. Les Verts, qui viennent de désigner leurs têtes de liste d’arrondissement [^4], affirment de leur côté que, sans leur action, rien ou presque n’aurait vu le jour.
La bataille reflète le dilemme national des Verts, en demeure de prouver aux électeurs qu’ils restent utiles à la cause écologiste, de plus en plus récupérée à gauche comme à droite. « Nous aurons besoin de toute la campagne pour expliquer que notre projet va beaucoup plus loin que les autres, et qu’il faut se battre à Paris contre l’hégémonie du PS, tout comme nous le faisons au plan national contre l’UMP » , reconnaît Denis Baupin, qui précise cependant que les Verts visent la reconduction de la majorité actuelle. Crédités de 5 % des intentions de vote (contre 12,5 % de voix recueillies en 2001), ils seraient à ce jour à peine en mesure de proposer une fusion aux socialistes, qui peuvent rêver de se passer d’eux, largement en tête des sondages avec 47 % des intentions.
[^2]: Qui serait déjà en baisse de 9 %. L’Europe s’est fixé 20 % à la même échéance.
[^3]: Un gain en CO2 qui va jusqu’à 50 % pour certains aliments.
[^4]: Voir http://paris.lesverts.fr