Perturbations

« Kalimba » est l’œuvre d’un trio atypique centré sur le pianiste Joachim Kühn.

Jacques Vincent  • 27 septembre 2007 abonné·es

La kalimba est un instrument composé d’un caisson en bois et de spatules, elles-mêmes en bois ou en métal. On l’appelle également piano à pouces. C’est aussi, symboliquement, le nom du nouvel album de Joachim Kühn, enregistré avec un batteur espagnol, Ramon Lopez, et un musicien marocain, Majid Bekkas. C’est ce dernier qui joue de la kalimba. De l’oud aussi, et du gembri, une sorte de luth qui ressemblerait à une basse. Il chante également sur la moitié des morceaux, notamment ses propres compositions. Lopez ayant plutôt l’habitude de jouer dans des formations de flamenco, tout en étant féru de musique indienne au point d’avoir rajouté des tablas à son instrument, la formule du trio de jazz avec pianiste s’en trouve sinon réinventée du moins sérieusement perturbée.

Joachim Kühn aime ce genre de perturbations. On peut même dire qu’il les cherche. Le pianiste est-allemand est depuis toujours un romantique tenté par toutes les aventures, qui fait swinguer les notes dans une lumière pure et tranchante, et un improvisateur qui aime partir de mélodies simples, les répéter comme des riffs, et, se laissant petit à petit gagner par un souffle collectif et libertaire, les disperser joyeusement et généreusement comme le vent le fait des pétales de fleurs. Ses complices, avec leurs rythmiques derviches, construisent parfois un écrin pour ses phrases fougueuses ou s’amusent à enchevêtrer leurs lignes aux siennes.

Mais Kühn sait aussi être un accompagnateur attentif qui apporte son soutien au chanteur comme dans le poignant « Dounia », signé Madjid Bekkas. C’est, enfin, un saxophoniste qui n’oublie pas son passé free, ni l’influence majeure que John Coltrane a toujours eue sur lui. Il retrouve ici son deuxième instrument de prédilection sur un titre très long qui n’en finit pas de s’inventer de nouvelles directions. Une sorte de résumé d’un disque aussi enthousiasmant qu’imprévisible et dont le plus étonnant est peut-être qu’il puisse aussi donner envie de danser.

Culture
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