Tournant atlantiste (suite)

Menaces de guerre contre l’Iran, préparatifs à un retour dans l’Otan, la France est en plein aggiornamento.

Denis Sieffert  • 20 septembre 2007 abonné·es

Nous posions la question la semaine dernière ( Politis n° 967) : qu’est-ce que le président de la République va bien pouvoir faire du rapport Védrine sur la mondialisation, qui contredisait si ouvertement son penchant atlantiste ? Et nous répondions : « Rien sans doute ». Notre confrère le Monde (daté du 13 septembre) suggère une variante. Dans un article consacré à l’annonce à peine voilée, par Hervé Morin, d’un retour de la France dans l’Otan, le journaliste note que le ministre de la Défense s’est « sans aucun doute nourri du rapport sur la globalisation » d’Hubert Védrine. Mais, dit-il, pour en tirer une conclusion diamétralement opposée. Drôle de façon de se « nourrir » en effet ! Alors que l’ancien ministre de Lionel Jospin mettait en garde contre un retour de l’Otan et le tournant atlantiste qui en découlerait, désastreux selon lui, le ministre de Nicolas Sarkozy souhaite que l’on cesse de « chipoter et barguigner » sur la relation de la France avec l’Otan. Avec ce gouvernement, il en va des rapports des personnalités indépendantes comme de la concertation avec les partenaires sociaux : c’est de la frime. Ou bien le rapporteur va au-devant des projets de M. Sarkozy et son travail est d’une parfaite inutilité. Ou bien il manifeste vraiment son indépendance et on s’assoit sur son travail. En l’occurrence, cela n’a pas attendu. Le 4 septembre, Hubert Védrine remettait son rapport au président de la République ; le 11, un représentant du gouvernement laissait entendre assez grossièrement qu’il n’en serait tenu aucun compte.

Tout montre d’ailleurs que le tournant atlantiste redouté par Hubert Védrine est bel et bien engagé. Le forcing de la France pour que l’Union européenne fasse monter la tension dans l’affaire du nucléaire iranien en est la plus inquiétante manifestation. Nicolas Sarkozy redouble d’efforts pour que l’Europe se soumette à la vision belliciste de George Bush. Fin août, devant les ambassadeurs, il a plaidé pour des sanctions en dehors même du cadre de l’ONU. Cet unilatéralisme hors la loi internationale est la marque de fabrique du néoconservatisme américain. Et c’est précisément ce que la France (de Chirac et Villepin) avait condamné avant la guerre d’Irak, en 2003. Et Bernard Kouchner a exprimé plus crûment encore cette dérive en souhaitant, dimanche, que l’on se prépare « au pire, c’est-à-dire à la guerre » . Si le Royaume-Uni est évidemment déjà sur cette ligne, d’autres, fort heureusement, se font tirer l’oreille. « Il serait faux de parler de menaces de guerre, a commenté ironiquement Martin Jäger, le porte-parole de la diplomatie allemande, au contraire, nous prenons cela comme la preuve que nos amis français prennent la situation au sérieux et qu’ils s’efforcent activement avec nous de parer à un tel développement. »

Monde
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