Courrier des lecteurs Politis 970
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Le boycott
Je souhaite remercier André Larivière, de Haute-Loire, pour son courrier intitulé « Pédagogie du boycott ». Je voudrais lui dire que j’ai commencé de moi-même « les premiers pas » du boycott des médias et des supermarchés, et que c’est revigorant de ne plus fréquenter ces lieux de soumission à la pub et à la consommation. On entend dire souvent que les alternatives à ces modes de fonctionnement sont soit trop chères, soit trop compliquées ; mais, selon mon expérience, quand quelque chose devient insupportable au quotidien, on commence d’abord par changer d’état d’esprit, et une autre organisation suit naturellement.
Pour moi, c’est une lueur d’espoir qui s’allume de lire quelqu’un qui évoque cette solution applicable par tous et qui ferait vraiment « vaciller ces géants du néant » si on s’y mettait tous.
Michelle Millot, Paris
«~Mickey chez les Soviets~»
Dans son article sur Sicko, le dernier film de Michael Moore, Ingrid Merckx reproche au réalisateur d’être un agitateur public aux raccourcis simplistes. Certes, le brûlot de Moore n’a pas la rigueur d’un ouvrage érudit. Mais le film, à mon sens, ne s’adresse pas aux détenteurs du capital culturel, ni en France, ni aux États-Unis. Dans la société états-unienne socialement très ségréguée, où la gauche est souvent synonyme de grande aisance sociale, Michael Moore a le mérite de chercher à toucher ses concitoyens au plus petit niveau d’études, ceux-là mêmes qui sont victimes du discours cynique et simpliste des Bush et consorts. Moore a fait le choix d’habiter dans une bourgade majoritairement républicaine, et son discours est orienté vers ceux qu’il souhaite convaincre.
Il est vrai que pour un public français, canadien ou britannique, le paradis social décrit par Moore dans nos contrées (ou, encore mieux, à Cuba) prête à sourire. Mais, encore une fois, nous ne sommes pas le public visé. Dans un pays où le congé de maternité n’existe pas, et où aucune aide sociale n’accompagne la naissance des enfants, reconnaissez que les aides accordées en France puissent sembler idylliques. Les États-Uniens, dont on fixe à l’avance le nombre maximal de congés maladie pour l’année, et qui ne peuvent pas se faire soigner faute d’assurance adéquate, n’ont pas la même perspective que nous sur les limites et les défauts de notre système de santé.
Votre critique, à mon sens, se trompe doublement de genre : le film n’a pas pour but de disséquer analytiquement un système politique, mais de parler à certains États-Uniens une langue qui leur est plus familière, celle de l’émotion, afin de les amener à un sujet politique. Le film n’est pas non plus un chef-d’oeuvre artistique, et n’a pas cette prétention. Vu le sujet abordé, il y a de l’indécence à faire une critique esthétique du film, dont on nous dit que « les images sont laides, les lumières affreuses, le cadrage maladroit » .
À la sortie de ses précédents films, l’intelligentsia de gauche aux États-Unis a reçu les tentatives d’éducation populaire de Michael Moore avec une dose de sympathie et une bonne dose de mépris de classe. Sans souscrire à l’ensemble des arguments de Moore, je trouve que sa démarche est louable et qu’elle donne matière à réflexion sur l’éducation populaire. Alors que notre gouvernement, élu par une majorité de nos concitoyens, s’apprête à instaurer des franchises médicales, quel discours tiendrons-nous pour convaincre l’opinion publique du recul que représentent ces franchises ?
Marie Plassart, Lyon
Profs, prenez garde !
Le 24 septembre dernier, François Fillon inaugurait la commission sur l’évolution du métier d’enseignant, avec comme équation à résoudre : comment réparer l’injuste déconsidération du métier d’enseignant (selon M. Nicolas Sarkozy, actuel président de la République) dans une France en faillite (selon M. François Fillon, actuel Premier ministre) ? Un vrai boulot pour de vraies pointures : un journaliste modeste et génial dirait que les membres de cette commission n’ont pas le cul sorti desronces !
De cette commission sur l’évolution du métier d’enseignant, les enseignants (ceux qui enseignent tous les jours, pas ceux qui pérorent dans les salons ministériels et les conseils d’administration sous prétexte qu’ils « ont enseigné » autrefois, avant peut-être ? de trouver ce métier trop injustement déconsidéré pour leur ego) semblent exclus.
Mais des économistes diplômés en droit des affaires comme Philippe Manière, par exemple, il était impossible de s’en passer. Avec eux, c’est la grille de lecture ultralibérale des think-tank (Institut Montaigne) et du lobby militaro-industriel ( le Point de Dassault, Europe 1 de Lagardère, etc.) qui servira à évaluer le métier d’enseignant. Tout ce qui échappera à la voracité des profs sera investi en armement ? Cela pue le conflit d’intérêts ou je fais un mauvais procès d’intentions, là ?
Vont-ils procéder comme en 2006, lorsqu’un Jean-François Copé, de sinistre mémoire, avait lancé une vague d’audits sur la modernisation de l’État ? (Avant de traiter Mme Anne-Marie Comparini de « salope », il avait, en tant que ministre du Budget, affirmé qu’un enseignant gagnait plus de 4 000 euros par mois et assimilé les militants de gauche à des « cloportes ». Aux dernières nouvelles, le gendre idéal, toujours maire de Meaux et député de Seine-et-Marne, aurait rejoint un cabinet d’avocats d’affaires. Qui a parlé de collusion d’intérêts ?)
Cette « commande » consistait en réalité à faire semblant de découvrir que certains enseignants disposaient de décharges statutaires (inscrites au JO depuis 1950, tout de même ; quel secret bien gardé !), pour s’en indigner à travers les relais médiatiques traditionnellement enclins à ces besognes, mais sans jamais revenir à leurs origines et discuter de leur éventuelle utilité sur le terrain. Dénoncer aujourd’hui des accords « vieux de soixante ans, pensez vous ! », en faisant semblant de les découvrir, est parfaitement malhonnête, mais cela semble devenir une pratique classique lorsqu’il s’agit de contourner les vraies questions.
Les enseignants seraient bien inspirés de ne pas trop laisser insinuer qu’ils constituent, lorsqu’ils ne sont pas devant leurs élèves, un réservoir d’oisiveté à disposition de toutes les mesures démagogiques à destination des parents d’élèves. S’ils n’y prennent pas garde, ils risquent bientôt de travailler au salaire minimum dans des « haltes-garderies publiques à caractère éducatif ».
Jan Vanier, Grenoble (Isère)
Le droit au travail
Merci à Robert Castel pour la clarté de son propos dans le dossier « Ces questions qui fâchent à gauche » du n° 969 de Politis .
Je voudrais apporter une modeste contribution. Longtemps chômeur, il m’aura bien fallu réfuter le travail comme fondement de la dignité de l’individu. Et ce qui, même au pire du doute et de l’instabilité professionnelle, m’aura conféré une dignité, c’est le droit au travail.
C’est-à-dire que notre préambule à la Constitution m’élève en principe à la qualité d’homme citoyen. Partant, pour injuste qu’elle soit, l’absence de travail n’est pas le signe d’une inégalité ni d’une privation de liberté.
En revanche, l’inconstitutionnalité des politiques sociales instituées sous couvert de lutte contre le chômage , comme instruments de domination, est un scandale.
Je suggère la lecture du Droit à la paresse , de Paul Lafargue, lecture salvatrice, non pour la subversion des valeurs mais pour l’étude de leur proximité. Le travail et le chômage génèrent trop de souffrance (lire aussi Souffrance en France , de Christophe Desjours). Nous devons très rapidement sortir de l’ornière de l’assistanat coupable, car, en droit, les demandeurs d’emploi ne sauraient être des victimes.
Gaëtan Gallier, courrier électronique
Contrats non renouvelés
L a France selon Sarko devient de plus en plus dure pour les mal-lotis. Alors qu’on en parle nulle part, dans le sud des Deux-Sèvres (et sans doute ailleurs), des CAE (contrats d’avenir emploi créés par la loi Borloo) ne sont pas renouvelés au bout des six premiers mois, au motif qu’il n’y a plus de sous pour les financer. Or, ce sont des contrats de vingt-quatre mois devant être renouvelés trois fois tous les six mois. Cela met en péril les associations qui embauchent de cette façon (dont l’association d’insertion où je suis bénévole), et, surtout, les personnes embauchées, qui pensaient avoir un boulot pour deux ans et qui apprennent brutalement que non, c’est fini, on ne renouvelle pas ! Elles se retrouvent donc à la case départ RMI. Je viens d’apprendre que, dans les maisons de retraite du coin, trois contrats de personnes faisant le ménage sont ainsi supprimés et que le ménage devra être assuré par les aides-soignantes en place comme si c’était leur boulot ! , car il n’y a pas d’autre solution… Notre députée PS Delphine Batho a indiqué qu’elle comptait […] interpeller Xavier Bertrand, ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité, sur cette question. À suivre. […]
Nadia Marfaing (Deux-Sèvres)
Hubert Védrine
Dans le n° 967 de Politis , Denis Sieffert couvre Védrine de lauriers pour avoir dit non au nain de jardin de Bush !
Sur Canal +, Benoît Hamon disait récemment que le seul fait d’être sollicité par Sarkozy devait être caché comme une honte plutôt qu’exhibé comme une gloire.
Celui qui dit non à Sarkozy est-il dédouané de toutes les infamies commises, qui lui ont permis d’être remarqué par notre rugbyman miniature ? Y compris sa coresponsabilité dans un génocide, avec Balladur, l’« ami » de Sarko ?
Pour Sieffert, ce pauvre Védrine, coincé entre Chirac et Jospin, aurait ensuite été empêché de défendre ses belles idées !
Est-ce que l’opposition à l’atlantisme sarko-bushien et la défense prioritaire du peuple palestinien excuse tous les autres crimes ?
Nous, qui défendons également l’Afrique noire martyrisée, savions déjà que la responsabilité de la France dans le génocide rwandais avait pour misérable justification la défense de la francophonie contre l’ennemi anglo-saxon !
Nous pensions que le «pôvre» et « intègre » Jospin s’était fait imposer Védrine. Et qu’après avoir prétendu rompre avec la criminelle politique de pillage de l’Afrique, il avait mis son intégrité dans sa poche et jouit des avantages de la realpolitik. […]
Cris Even (courrier électronique)
Il s’agissait, cher lecteur, de traiter du rapport remis par Hubert Védrine à Nicolas Sarkozy, et non de juger de sa carrière de diplomate.
D. S.
Les sujets qui fâchent à gauche
B onne idée dans le dernier numéro (et à suivre dans les numéros suivants) : réfléchir sur les sujets qui fâchent à gauche, en invitant les spécialistes du sujet.
L’ennui, c’est que les auteurs sollicités ne répondent pas à la question posée, sauf peut-être Robert Castel, ou s’expriment dans un jargon obscur, comme si on ne voulait pas dire les choses clairement… On n’est pas sorti du marasme ! Bon vent quand même !
Bernard Branger, Nantes (Loire-Atlantique