Détail d’un scandale
dans l’hebdo N° 971 Acheter ce numéro
Dans le « détail » des événements de la semaine dernière, l’amendement Mariani (photo) généralisant l’utilisation de tests ADN à des fins de contrôle migratoire a été voté au Sénat, le 3 octobre, dans le cadre de l’examen de la loi Hortefeux sur l’immigration. Mais est-ce un « détail » ? le lendemain, le Conseil consultatif national d’éthique rendait un avis stipulant : « L’inscription dans la loi d’une identification biologique réservée aux seuls étrangers est en contradiction avec l’esprit de la loi française. » Revue de « détail » : « Il nous a paru dangereux de familiariser les esprits avec l’idée que l’identité est dans les gênes » , Pierre Le Coz, membre du Comité consultatif national d’éthique dans l’Humanité du 5 octobre. « Les chrétiens refusent par principe de choisir entre bons et mauvais migrants, entre clandestins et réguliers, entre citoyens pourvus de papiers et d’autres sans papiers », Commission épiscopale pour la mission universelle de l’Église, 1er octobre. « Une telle disposition est […] discriminatoire […] et viole la Convention internationale des droits de l’enfant » , Thomas Hammarberg, commissaire aux droits de l’homme, le Monde , 28 septembre. « Ce projet de loi est une bombe. Il crée un précédent redoutable : demain, on demandera aux candidats à la nationalité française par filiation de fournir un test ADN ! », Axel Kahn, généticien *, Libération,* 18 septembre . Cette disposition « entamerait des principes éthiques et ouvrirait la porte au fichage génétique de certaines catégories de la population », Sauvons la recherche, 17 septembre…
Il serait fastidieux, mais édifiant, de revoir en « détail » toutes les réactions dénonçant le fameux amendement. Pas plus tard que le 10 octobre, des associations et syndicats, dont La Cimade, la Ligue des droits de l’homme et le SNPES-PJJ/FSU, tenaient conférence pour dire « Non à la conception génétique de la famille » . C’est ce message, brandi par une immense mobilisation de personnes, d’associations et d’institutions outrées, que François Fillon a bafoué, le 6 octobre, en déclarant au conseil national de l’UMP : « Les polémiques ont grossi jusqu’au ridicule un détail, en masquant l’essentiel du projet de loi Hortefeux sur l’immigration. » Ce n’est donc pas tant la reprise d’un terme déjà employé par Jean-Marie Le Pen dans un cadre révisionniste (il qualifiait, en 1987, les chambres à gaz de « point de détail de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale » ) qui choque, que le fait de ramener un scandale en train de se faire à un « détail ». Preuve que c’est dans le détail qu’il faut examiner ce projet de loi. Et pas seulement dans les grandes lignes.