La bataille du climat

Le succès du Grenelle sera d’abord jugé au volontarisme
des mesures prises pour limiter le dérèglement climatique,
défi prioritaire du gouvernement.

Patrick Piro  et  Benjamin Dessus  • 24 octobre 2007 abonné·es

Gagner la bataille du climat, c’est réduire considérablement l’usage des combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon). Et d’abord dans le secteur du bâtiment (résidences et bureaux) : il génère environ 20 % du CO2 national. Un important « gisement d’économies », qui sera exploité en imposant des performances thermiques accrues aux constructions neuves, mais surtout en lançant un ambitieux programme de rénovation de l’ancien ­ le neuf ne renouvelle que 1 % du parc par an : les deux tiers du parc ont été construits avant 1975, sans contraintes d’isolation thermique. Objectif : réduire de 12 à 20 % sa consommation en cinq ans.
____Côté transports (25 % du CO2 national), il est prévu un « schéma national des nouvelles infrastructures de transport » et (peut-être) une priorité d’investissement aux modes collectifs alternatifs à la route et à l’avion. Mais sur le plan réglementaire, ça bloque : les constructeurs automobiles luttent pour éviter un surcroît de contraintes sur les véhicules neufs (120 grammes de CO2 par kilomètre d’ici à 2012 ?), et qu’une bonne partie du public n’est pas favorable à la réduction de 10 km/h de la vitesse sur route. Incitation « positive », les véhicules les moins polluants bénéficieraient d’un bonus.</>
____De quoi tendre vers l’objectif final ? Il reste une division par quatre des émissions françaises de gaz à effet de serre d’ici à 2050 (le « facteur 4 »), avec un rendez-vous intermédiaire en 2020 : moins 20 % d’émissions de gaz à effet de serre, moins 20 % de consommation d’énergie, et porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation totale.</>
____Deux semaines avant la conclusion du Grenelle, un rapport du Centre d’analyse stratégique (CAS, ex-Commissariat général du plan), présidé par Jean Syrota, concluait pourtant que la France ne saurait diviser au mieux que par 2,4 ses émissions d’ici à 2050 ! Et même en s’y employant vigoureusement. L’exercice considère une ambitieuse politique de maîtrise de la demande d’énergie, faisant passer la consommation finale de 162 à 97 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) de 2006 à 2050 : un parcours en tous points identique à celui du scénario « écolo » Négawatt, tant décrié jusqu’ici par les énergéticiens officiels. Rien à redire ! </>
____Puis, revenant à la logique productiviste et centralisatrice habituelle, le rapport propose une stratégie bien connue : « le tout-électrique tout-nucléaire ». La part de l’électricité passe ainsi de 23 % aujourd’hui à 48 % dans la consommation finale d’énergie, très largement couverte par le nucléaire (450 terawattheures, TWh), suivi des renouvelables (200 TWh) et enfin du charbon et du gaz (105 TWh). </>
____Mais c’est insuffisant pour arriver au « facteur 4 ». Car la Commission Syrota, par une sorte de fait du prince, néglige purement et simplement un important gisement de réduction d’émissions, le stockage souterrain du CO2 des centrales thermiques, pour s’étendre ensuite largement sur les raisons qu’a la France de ne pas respecter son engagement… Le plus consternant est que ce piètre résultat est très largement dû au « nucléotropisme » national : plus on a recours à l’électricité (nucléaire), plus on est condamné à utiliser des centrales au charbon ou au gaz pour absorber les pics de demande aux heures de pointe… </>
____Le scénario Négawatt parvient en revanche au « facteur 4 » grâce à une consommation électrique bien plus modeste, avec beaucoup moins d’énergies fossiles, sans nucléaire ni stockage du CO2 des centrales. Sans même parler du défi de construire une cinquantaine de générateurs au plutonium et au sodium (pour éviter une pénurie annoncée d’uranium), la Commission Syrota vise tout bonnement à asséner une démonstration éclatante de l’inanité du « tout électrique tout nucléaire » comme solution au problème climatique.</>

Écologie
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