Médecins, soyez féministes !

La journée des centres de planification met en lumière les violences faites aux femmes. Et la nécessité de former les soignants.

Marion Dumand  • 4 octobre 2007 abonné·es

Des femmes plein l’amphi, sur l’estrade. Une poignée d’hommes disséminés. C’est la norme, regrettent certaines, lorsque les médecins des centres de planification et d’éducation familiale se réunissent. C’est le cas une fois encore, ce 27 septembre, à la faculté de médecine Xavier-Bichat, où se déroule le 47e congrès national des centres de santé. Excisions, violences conjugales, IVG, adolescence… Des thèmes qui devraient pourtant concerner les professionnels de la santé des deux sexes. Encore faudraient-ils qu’ils y soient formés. Voilà d’ailleurs l’un des grands intérêts de ces interventions. Qu’elles concernent le vécu des femmes excisées ou le dépistage systématique des violences, les enquêtes mettent aussi en lumière la réticence originelle des médecins à aborder ces points. Et leur contentement de l’avoir surmontée. Car les patientes ont, elles, la parole facile. Pour peu

« Sur les 87 femmes excisées qui ont été interrogées, explique la jeune thésarde Mélanie Horoks, les trois quarts ont trouvé utile de parler de leur excision avec les médecins consultés. Ces derniers ont été amenés à poser plus de questions, notamment sur la sexualité et les circonstances de l’excision. » Même constat pour Gilles Lazimi, médecin au centre de santé de Romainville, qui a mené une étude sur les violences auprès de 557 femmes, avec l’aide de 53 soignants : « Cette étude est aussi une « étude-action » permettant de montrer au médecin que le questionnement direct et systématique […] est possible, simple et facile. Que les résistances viennent plutôt des professionnels. » Comme le montre une intervention dans la salle : « Comment prouver les violences morales ? » Médecin généraliste engagée et vigoureuse, Emmanuelle Piet monte aussitôt au créneau : « Nous ne sommes ni juges ni avocats. Le médecin n’a pas à prouver : il doit entendre sa patiente, lui réaffirmer ses droits. » Lui indiquer l’existence d’associations adéquates. Et aussi la soigner.</>

Car la parole libérée a des conséquences médicales. Les violences se manifestent en effet par de multiples symptômes, difficiles à soigner, lorsque le médecin en ignore la cause profonde. « J’ai été surpris de la facilité de cette jeune patiente obèse, explique un médecin ayant participé à l’étude, qui m’a déclaré très simplement qu’en effet elle avait été victime de violences de la part de son père. Cette révélation m’a immédiatement éclairé sur les raisons de son trouble alimentaire. »

Gêne des médecins, peur de « s’ingérer », d’être incompétent… Autant de réticences que sensibilisation et formation pourraient balayer. Sachant que, selon l’étude de Gilles Lazimi, 6 femmes sur 10 déclarent avoir été victimes de violences verbales, 4 sur 10 de violences physiques et 2 sur 10 de violences sexuelles, l’intérêt d’une telle approche est éclatant. Sans oublier qu’en France, tous les deux jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint.

L’ignorance des patientes se double donc parfois de celle des médecins. Combien d’entre eux savent que l’annonce de leur excision est pour la moitié des femmes « un choc » , elles qui ont toujours cru être « normales » ? Combien peuvent leur indiquer qu’une chirurgie réparatrice est possible ? Une opération simple : le clitoris étant également un organe interne, long d’une dizaine de centimètres, il « suffit » d’en faire émerger à nouveau une partie. « Attention, cependant, l’opération n’est pas une baguette magique : elle doit s’accompagner d’un cheminement, être bien encadrée » , explique Florence Toutlemonde, gynécologue et membre du service de chirurgie réparatrice à Trousseau. Un choix éclairé donc, mais trop peu accessible : « 50 % des femmes interrogées ignoraient l’existence de cette chirurgie , indique Mélanie Horoks. Après explication, 40 % se disent intéressées, et 22 % hésitantes. » D’autres solutions existent pour alléger la souffrance : crème, mais aussi attestation médicale contre-indiquant les rapports sexuels.

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donc. Et parfois d’un rappel à la loi : selon l’enquête du planning familial de Seine-Saint-Denis, certains hôpitaux et cliniques refusent d’effectuer des IVG sur des mineures sans consentement parental, ou sur des bénéficiaires de la CMU. Ou encore d’appliquer le nouveau délai pour avorter, passé de 12 à 14 semaines. Médecins, soyez féministes, vous n’en serez que meilleurs praticiens. Et citoyens…

Société
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