Courrier des lecteurs Politis 975
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Contre le marquage électronique des brebis
Pourquoi nous refusons le marquage électronique des brebis et nous nous débattons dans le monde qui le produit :
Au 1er janvier 2008, l’ensemble du cheptel ovin et caprin de la Communauté européenne doit être identifié avec des puces électroniques pour répondre aux exigences industrielles de « sécurité alimentaire » (règlement CE n° 21/2004 du conseil du 17 décembre 2003). Ces mouchards arrivent à une époque où la machine industrielle s’emballe au rythme des crises sanitaires (grippe aviaire, vache folle, fièvre aphteuse…). Le dernier moyen de maintenir l’illusion d’une maîtrise est de considérer les éleveurs comme des risques industriels potentiels. Il faut donc assurer leur flicage. […] Cette nouvelle mesure de traçabilité […] nous pousse un peu plus loin dans un monde où l’on commence à se sentir de trop.
L’élevage n’est pas seulement une industrie produisant du lait ou de la viande. La domestication n’est pas seulement la soumission d’un animal, c’est aussi un long compagnonnage commencé à la révolution du néolithique. Ces interdépendances influencent depuis dix mille ans nos relations aux animaux, aux humains et au monde. Cette longue compagnie a participé à construire nos imaginaires, nos mythes et notre culture.
Avec le puçage électronique, toute cette partie de l’histoire de notre humanité est anéantie, détruite, niée. Comme la plupart des professions, une part de plus en plus importante de nos activités est régie par un ailleurs : normes industrielles, obligation de s’expliquer, permanence de la suspicion à notre égard. Cela suffit !
[…] Dans un monde où l’humiliation est devenue tellement familière qu’on ne la reconnaît plus, où le contrôle ne choque plus personne […], nous avons fait comme tout le monde. Nous avons fait profil bas, nous avons ménagé les administrations et entretenu notre asservissement au système des primes agricoles en traînant les pieds face aux « nouveautés ». Aujourd’hui, refuser le puçage électronique, c’est voir son troupeau euthanasié. Si nous prenons publiquement la parole, c’est que nous ne voulons pas plonger dans l’aigreur et le désespoir que génère la résignation […].
Il est déjà question de bornes biométriques dans les cantines, de fichier ADN, de cartes d’identité biométriques. Ce puissant processus de mécanisation du monde vivant est en train de détruire tout ce qui fait que l’humain n’est pas seulement une construction biologique usinable
à merci.
Nous avons encore quelques espoirs, mais ils risquent de disparaître si l’on continue à se taire […]. Il s’agit pour nous de conserver quelques chances d’élever des bêtes à peu près dignement, de ne pas collaborer par notre silence à l’automatisation et à la déshumanisation de l’élevage, à la transformation définitive des bêtes en marchandise, et à notre enfermement dans un monde invivable pour les brebis et pour nous tous.
Nous, bergers des plaines, des causses et des montagnes, réunis pour notre sauvegarde, appelons toutes et tous
à refuser les entraves électroniques. Nos troupeaux ne sont pas des machines et nous n’habitons pas dans des usines. Nous vous invitons
à reproduire ce texte, et à en parler autour de vous.
Des bergères et bergers opposés à la mécanisation de la vie
Contact : groupe nord ouest : bergerouest@no-log.org ; groupe sud-ouest : Bergères et bergers languedociens, rue du Port, 81500 Lavaur ; groupe sud-est : Léon Nampepusse, ancienne école, 84400 Sivergues.
Le code de la rue
Merci à Politis qui lance un appel en faveur du code de la rue ! Le Club des villes cyclables et l’association Rue de l’avenir ont initié le mouvement et continuent cette démarche qui vise à modifier le code de la rue, parce que la rue n’est pas la route. Une précision toutefois : nos propositions concernent les doubles sens cyclables en zone 30 dans les rues en sens unique, ainsi que la création de zones de rencontre qui existent déjà dans plusieurs pays européens. Dans une rue étroite avec des trottoirs inconfortables, par exemple, la priorité sera donnée aux piétons si la rue est en zone de rencontre.
La zone de rencontre n’est pas une aire piétonne puisqu’on peut y circuler normalement en voiture. Ce n’est pas non plus une zone 30 parce que la vitesse y est limitée à 20 km/h et parce qu’en zone 30, les règles habituelles de priorité s’appliquent. Mais vous avez raison de dire qu’il faut aussi développer les zones 30, avec la vision d’une ville à circulation apaisée, c’est-à-dire agréable à vivre !
Je voudrais insister sur une proposition essentielle du code de la rue : l’obligation de respect du plus faible par le plus fort.
Bref, affirmer que notre société veut s’éloigner de la barbarie.
Jacques Hennebert, vice-président de Rue de l’avenir
Consommation de masse
Vive les grandes surfaces et le capitalisme qui en vit ! M. Attali, homme de gauche, a décrété que c’est par leur multiplication que la France retrouvera la croissance et que les Français vivront mieux parce qu’ils consommeront plus !
Dans les périphéries des grandes villes subsistaient des petits maraîchers, qui, plutôt que de se faire estourbir par les grandes surfaces, vendaient directement sur des marchés locaux leurs produits tout frais, dont ils étaient fiers, et à des prix compétitifs.
Au XXIe siècle, peut-on encore supporter des gens qui vous vendent des produits locaux et artisanaux, qui n’ont pas voyagé ?
Rendons-leur la vie encore plus difficile ; le commerçant de quartier a disparu heureusement ! , maintenant, c’est aux marchés de disparaître.
Vive la consommation de masse ! Vive les produits qui ont connu les chambres froides et les kilomètres !
Vive les produits calibrés issus de croisements pour être plus productifs mais sans goût !
Et, surtout, ne parlons pas de variétés anciennes !
Andrée Bonte (courrier électronique)
Pour une vraie politique de gauche
Bravo pour l’ouverture du chantier à propos des questions qui fâchent à gauche ou du moins font l’objet de divergences et de débats.
Quelques suggestions pour poursuivre : qu’est, précisément, une politique de l’immigration vraiment à gauche, au-delà de la défense des travailleurs sans papiers et de l’affirmation de principes (liberté de circuler et de s’installer) ? La Cimade a planché sérieusement sur le sujet.
Autre sujet délicat, la sécurité. Au-delà de la résistance aux surenchères sécuritaires, la gauche de gauche peut-elle élaborer des réponses autres que des généralités ?
Didier Peyrat, magistrat à Pontoise et auteurs de trois bouquins sur le sujet, a une pensée intéressante, même si elle est parfois à rebrousse-poil d’un certain nombre de nos habitudes culturelles en la matière. […]
Et pourquoi ne pas organiser des débats contradictoires plutôt que des juxtapositions de tribunes ?
Claude Carray
Manipulation médiatique ?
Ce qui arrive à Christian Vélot (voir Politis n° 972) est bien triste, mais je pense que nous pouvons légitimement nous demander si les difficultés rencontrées par ce chercheur ne seraient pas liées à son manque de résultats ! En effet, il n’a publié que trois articles en sept ans (un en 2000, un en 2002 et un en 2006, source Pubmed). Quand on sait que ce sont ces publications qui permettent d’évaluer un chercheur, on pourrait très bien voir là une cause de non-renouvellement de ses contrats, non ? En effet, le CNRS estime que la norme de publication est de quatre articles en quatre ans. Trois en sept ans, nous en sommes loin.
Alors ce monsieur milite, et c’est très bien ! Il en faut. Il faut des personnes capables de poser des questions dérangeantes, il faut des objecteurs. Non à la pensée unique et officielle. Mais j’ai l’impression qu’on veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes ! J’ai le sentiment désagréable que ses soucis n’ont rien à voir avec son rôle dans l’information sur les OGM. Il semble tout aussi probable que ses problèmes ne soient liés qu’à son manque de réussite professionnelle. Si c’était le cas, alors M. Vélot ne ferait rien d’autre que de la désinformation et de la manipulation médiatique, ce que je trouverais parfaitement détestable. Cela ternirait l’image que j’ai de ce chercheur engagé.
G. contre la manipulation médiatique (courrier posté sur le site de Politis)
C’est malheureusement l’argument classique, et je vais y avoir droit sans arrêt. Ce monsieur ou cette dame, qui n’a visiblement pas le courage de s’identifier, fait sans doute partie de tous ces scientifiques moulés à la louche qui n’évaluent leurs collègues qu’à la longueur de leur liste de publications (comme des adolescents pubertaires évaluent leur virilité à la longueur de leur pénis) sans tenir compte du parcours spécifique de chacun.
Cette personne ignore sans doute que je ne suis pas chercheur plein mais enseignant-chercheur, et qu’il est évident que les 50 % du temps consacrés à l’enseignement ne donnent pas lieu à des publications. Elle ignore également sans doute que j’ai monté ma propre équipe en 2002 sur une nouvelle thématique de recherche : créer une équipe et démarrer un nouveau sujet, ça demande une inertie, et c’est bien mal connaître le milieu de la recherche, ou avoir une vie de chercheur bien monotone et sans la prise du moindre risque, que de croire que le rythme des publications est nécessairement linéaire avec le temps. D’ailleurs, dans l’évaluation mi-parcours de 2005 où il m’a été reproché de développer une thématique de recherche trop fondamentale, mon rythme de publications n’a absolument pas été évoqué.
Qu’on puisse m’accuser (ou me soupçonner) de faire de la désinformation et de la manipulation médiatique m’affecte profondément (mais il va visiblement falloir que j’y sois préparé).
Christian Vélot
La droite décomplexée
Je lis souvent, sous la plume d’éditorialistes, journalistes ou blogueurs, que la droite serait désormais « décomplexée ». La brutalité des réformes engagées explique sans doute cette analyse. Mais ces « réformes » nous sont toujours servies avec une langue de bois taillée dans du chêne noueux, sans qu’on n’en présente jamais les objectifs réels ni la logique sous-jacente. Prenons le cas des retraites. Que nous dit-on, exactement ? Que la réforme des régimes spéciaux est nécessaire dans un souci d’égalité (37,5 ans versus 40 ans, sauf que les « ans » sont en fait des « annuités » et n’ont pas la même signification suivant les régimes : donc, on compare des carottes et des patates), que l’allongement de la durée de cotisation est inévitable pour pouvoir continuer de financer les retraites (vieillissement de la population). Bref, la vieille soupe « Tina » (There is no alternative). En réalité, la droite souhaite depuis toujours limiter l’action redistributive de l’État, ce qui signifie, dans le cas des retraites, détruire les mécanismes de répartition, leur substituer des mécanismes de capitalisation, renvoyant ainsi le financement des retraites à la sphère individuelle et privée. A-t-on déjà entendu un homme politique dire : « Je veux en finir avec la retraite par répartition, ou au moins la réduire à un plancher le plus bas possible » ? Non, bien sûr. C’est pourtant clairement l’objectif, même s’il est masqué par de vertueuses dénégations. À mes yeux, la droite n’est pas encore tout à fait « décomplexée » sur le sujet… Autre exemple : la sécurité sociale. A-t-on déjà entendu la droite affirmer : « Il faut casser la sécu, et que chacun se débrouille pour financer sa santé par l’assurance privée » ? Ou, sur l’université : « Il faut mettre les universités en concurrence de manière à ce qu’émerge une université d’élite, répondant exclusivement aux besoins des entreprises, financée par elle et par les tarifs d’inscription » ? Sur l’Europe : « Il faut mettre l’ordre économique capitaliste néolibéral à l’abri de toute remise en question par les citoyens » ?
On pourrait multiplier les exemples. Jamais la droite ne tiendra de discours si « décomplexés ». Ils ne passeraient pas, et ça ferait du monde dans la rue. Elle continue donc d’entourlouper son monde, avec la bienveillance complice des médias de masse (pas de théorie du complot ici, juste la collusion d’intérêts bien compris d’une certaine élite) et l’approbation tacite du parti socialiste, qui est juste un poil plus complexé (et se fout donc encore plus de la gueule du monde), mais n’est pas beaucoup moins à droite.
Pierre Raffenot (Isère)