Trois affaires en une
dans l’hebdo N° 974 Acheter ce numéro
L’affaire de l’Arche de Zoé est à double ou à triple fond. D’abord, il y a tout le drame humanitaire de ces gamins, en majorité tchadiens, et non soudanais, comme le prétendaient (ou le croyaient) les dirigeants de l’ONG et comme ils le faisaient croire aux familles d’accueil, dont il ne faut pas oublier non plus la détresse. Il y a aussi une affaire d’ONG, au mieux totalement irresponsable, qui risque de jeter injustement l’opprobre sur des associations qui, elles, respectent une éthique scrupuleuse. Cette Arche de Zoé n’est pas, par exemple, membre de la Coordination Sud, ses dirigeants ne sont jamais passés devant le comité d’adhésion de ce réseau totalement transparent. Il ne faudrait pas que cette affaire justifie une mise en cause de l’indépendance d’ONG qui « s’autosurveillent et s’autodisciplinent », comme le souligne Henri Rouillé d’Orfeuil, le président de la Coordination Sud.
Et puis il y a l’affaire politique. Malgré plusieurs correctifs de trajectoires, la nouvelle diplomatie française continue d’emboîter le pas aux États-Unis de George Bush et au lobby « Save the Darfour ». Certes, on n’est plus dans l’hypothèse BHL-Kouchner, qui prônait une entrée en guerre de la France au Soudan. La grille de lecture type « choc des civilisations », qui expliquait tout par un conflit interreligieux, a reculé à l’épreuve de la réalité. Mais la France se veut encore le fer de lance d’une initiative européenne à la frontière soudano-tchadienne. Le président tchadien, Idriss Déby, qui y était plutôt hostile, trouve ici argument pour contrecarrer le projet français, et peut-être aussi un élément de pression sur Paris. D’où la violence, inhabituelle dans ce genre de circonstances, avec laquelle Paris accable les responsables de l’Arche de Zoé. Il s’agit de dépolitiser au maximum cette affaire, fût-ce en abandonnant ces gens à leur sort. Et à faire croire, contre toute évidence, que la France, dont l’armée est omniprésente au Tchad, ignorait tout. Qu’ils soient irresponsables est probable. Cela ne fait pas d’eux des trafiquants d’enfants ou des assassins.