Une exigence démocratique
La mobilisation en faveur d’un référendum sur le traité de Lisbonne s’organise. Les premiers signataires de l’appel que nous publions seront connus avant ce week-end.
dans l’hebdo N° 977 Acheter ce numéro
Europe doit-elle rester une affaire de spécialistes ? La construction européenne, même réduite à l’instauration d’un marché toujours plus étendu, résulte de choix politiques. Les implications de ces choix dans notre vie quotidienne sont de tous ordres et influent sur la vie de chacun. Plus de la moitié de notre législation résulte déjà de décisions européennes. Même les libertés communales se trouvent corsetées par des règlements et directives qui imposent en tout domaine de respecter la sacro-sainte concurrence. C’est ainsi que des salles de cinéma municipales, à Épinal, Lyon, Montreuil ou Noisy-le-Grand, sont attaquées en justice pour abus de position dominante ou infraction aux règles de la concurrence par les groupes UGC ou MK2. Dès lors, il y quelque indécence à empêcher les peuples de donner leur avis sur le nouveau traité européen, dit de Lisbonne.
Lors de la mise sous pli des documents électoraux pour le référendum sur le TCE du 29 mai 2005. POUJOULAT/AFP
C’est pourtant la voie retenue par Nicolas Sarkozy. Le 13 novembre, devant le Parlement européen, le président de la République a, dans un même discours, justifié ses réformes au nom des décisions et des engagements européens, assuré qu’il les mènerait « jusqu’au bout » et réitéré son refus d’un nouveau référendum européen. En aparté avec les présidents de groupe parlementaire, il l’aurait aussi justifié, selon le quotidien britannique The Telegraph (15 novembre), par l’existence d’ « un gouffre entre les peuples et leurs gouvernements » , indiquant que dans tous les pays « un référendum mettrait en danger l’Europe » .
À l’exception de l’Irlande, contrainte par une obligation institutionnelle, aucun pays n’envisage d’ailleurs de procéder à un référendum sur le nouveau traité. Ce n’était pas le cas en 2004 quand, après la signature du traité constitutionnel européen, onze pays sur vingt-cinq avaient prévu une telle ratification. Cette unanimité à vouloir ratifier le nouveau traité par la voie parlementaire serait-elle une clause secrète du traité de Lisbonne ?
Interrogé ce week-end par le quotidien Diario de Noticias , José Manuel Barroso assure n’avoir « rien remarqué en ce sens » , tout en prétendant qu’ « il peut y avoir des débats avec ou sans consultation populaire » . On a peine à croire que le déficit démocratique de la construction européenne puisse être résorbé en tenant les peuples à distance. Il y a tout lieu de croire au contraire que les Vingt-Sept vont l’aggraver, affaiblissant d’autant l’idée européenne.
Pour cette raison, et aussi parce qu’il n’est pas démocratiquement acceptable que les électeurs français, après avoir refusé la première copie qu’on leur présentait, ne soient pas consultés sur la « correction » tirée de leur vote, l’initiative du Comité national pour un référendum (CNR) mérite d’être soutenue. Initiée par Jean-Luc Mélenchon et Marc Dolez, elle rassemble déjà, outre des socialistes, des communistes, des radicaux, des républicains, des écologistes, des altermondialistes et des syndicalistes qui, dans leur coin, avaient déjà lancé des appels en ce sens. Marie-George Buffet, José Bové, Jean-Pierre Chevènement, les Verts Francine Bavay et Jean Desessard, ainsi que des élus fabiusiens, devraient figurer parmi les premiers signataires, dont la liste sera dévoilée au plus tard ce week-end. Une affiche, « Traité européen, pas sans nous. Nous voulons un référendum », est prête. Des réunions publiques sont annoncées sous l’égide de ce CNR, qui entend interpeller les parlementaires. Au nom d’une seule exigence démocratique.