Courrier des lecteurs Politis 980
dans l’hebdo N° 980 Acheter ce numéro
Voyage au Burkina
Les 5 gagnants du tirage au sort sont :
Nicolas Andrieux, de Clermont-Ferrand (63)
Françoise Boutin, de Châtillon (92)
André Croisne, de Toufflers (59)
Christian Jamet, de Boën (42)
Alex Massari, de Puget-Ville (83)
Les gagnants recevront leur lot par courrier dans les prochains jours.
Merci à tous pour votre participation !
Grèves et décroissance
Y a-t-il plus décroissant que les grèves SNCF ?
Voilà des personnes qui ne veulent pas travailler plus, et qui considèrent au contraire qu’il y a plus important que le travail : le temps libre (celui de la retraite en tout cas). […]
L’immobilisation des moyens de transport montre bien l’inanité de la politique d’urbanisation menée en France depuis cinquante ans, qui consiste à dissocier lieux de vie et lieux d’activités. Résultat : dès qu’il n’y a plus de transports (préfiguration de l’après-pétrole ?) on ne peut plus travailler.
Au passage, on redécouvre les joies de la marche à pied et du vélo !
Moins de trains = moins besoin d’électricité nucléaire !
Et l’on voit que le TGV n’est pas la solution, mais que les gens ont d’abord besoin de trains de proximité.
Et, en plus, c’est une occasion de se parler, et rêvons un peu de réfléchir à notre vie de tous les jours (à condition de ne pas regarder la télé et les reportages sur les cheminots-qui-prennent-les-usagers-en-otages).
Si on ajoute qu’en plus la grève fait baisser le PIB, on la plébisciterait presque !
Antoine Rolland, Paris
Étudiants en grève
Vous entendez parler, depuis quelques semaines déjà, d’étudiants en grève, de facs bloquées, de manifestations sauvages. On vous brosse le portrait d’étudiants manipulés, de glandeurs invétérés ignorant jusqu’aux raisons de leur colère. Laissez-nous vous répondre que vous êtes trompés. […] Nous sommes jeunes certes, et nous avons encore beaucoup à apprendre. Mais c’est parce que nous voulons continuer à apprendre que nous luttons contre cette loi. Il est important de vous souligner que toute assemblée générale comporte un débat considérable sur la loi elle-même. De fait, il est impossible qu’un étudiant participant aux AG n’en connaisse pas la teneur.
Nombre de facultés ont également affiché ce texte. L’assemblée générale des professeurs de Paris-I avoté le mardi 27 novembre le débrayage des cours en faveur de tables de discussions et d’information autour de la loi Pécresse, sans compter les innombrables projections du film de Sauvons la recherche, les Universités, le grand soir .
Laissez-nous vous dire simplement ce que nous rejetons dans cette loi, et pourquoi il nous semble important de ne pas déposer les armes. Précisons tout d’abord que nous ne crachons pas sur l’argent privé. Les entreprises veulent subventionner les facs, grand bien leur fasse. Ce qui nous gêne, c’est que les généreux donateurs aient voix au chapitre : la loi leur assure une place non négligeable au conseil d’administration (art. 7). Il y a une grande différence entre mécénat et investissement. Feriez-vous confiance à une filière de développement durable financée par Total ? Les enseignants chercheurs préserveraient l’université d’une telle dérive, nous direz-vous. Que nenni ! Grâce à cette merveilleuse loi (art. 5 et 8), ce conseil, autrefois décisionnel et délibératif, n’est plus qu’autorisé à émettre des voeux. La belle affaire ! De plus, le corps des enseignants chercheurs ne sera plus uniquement constitué de fonctionnaires, élus par leurs pairs. En effet, le conseil d’administration peut engager des contractuels en CDI ou CDD pour remplir ces fonctions (art. 19) . Autant dire que s’ils ne sont pas d’accord avec ledit CA, ils seront libres de prendre la porte. Mais, rassurez-vous, le risque est minime, puisqu’ils recevront des primes en fonction de la rentabilité de leur filière. Pour ce qui est des sciences humaines, leur sort est scellé. Et c’est vrai qu’on peut s’interroger sur l’utilité des doctorants en histoire médiévale quand la France entière a vu les Visiteurs à sa sortie ?
Mais ce n’est pas tout… Apprêtez-vous à mettre la main au portefeuille pour payer les études de votre progéniture. L’article 18 instaure l’autonomie budgétaire des universités.
Paris-Dauphine, pionnière en la matière, augmente ses droits pour la deuxième année consécutive. Son président annonçait avec une logique inattaquable qu’il fallait bien trouver des fonds. Si la plus grande faculté d’économie et de gestion de Paris a du mal à trouver mécène, quel espoir pour l’UFR d’histoire de l’art de Marne-la-Vallée ? Et, à ce titre, quid de l’égalité des diplômes entre les universités ? Car non seulement toutes n’auront le même budget, mais en plus elles seront tenues de publier leur taux de réussite aux examens et de chômage pour leurs diplômés (art. 20). Depuis quand l’université a-t-elle pour vocation d’être une parodie des grandes écoles ? Nous nous permettons une petite parenthèse pour rappeler que l’université est un lieu d’apprentissage et de recherche, et non une filière professionnelle. Nous avons en France des BTS, IUP et autres qui remplissent ce rôle.
Finissons en beauté, si vous le permettez, avec l’article 32, qui cède la propriété des biens mobiliers et immobiliers aux universités.
Certes, les bâtiments classés resteront protégés. Mais qui empêchera le directeur de Paris-IV de vider la Sorbonne de ses étudiants pour
transformer ces locaux en salon VIP ou en arnaque à touristes ? Cette loi veut transformer l’université sur le modèle de fonctionnement des entreprises. Et, ô merveille des merveilles, la délocalisation a même été prévue !
Pour toutes ces raisons, nous suivrons les conseils d’Ezéchiel lorsqu’il disait : « Pousse des cris et des hurlements fils d’homme !» (Ez XXI, 14-18).
Théophile T. et Eugène D.
Tests ADN
Cette mesure est proposée à un moment où le regroupement familial, qui ne représente par ailleurs que 20 % de l’immigration, ne cesse de baisser : selon le Bureau central des statistiques, nous comptions 15 286 personnes admises au séjour par ce moyen en 1996, contre 10 623 en 2004, soit une diminution de près de 30 % !
Remarquons au passage que la différence de 5 000 représente le nombre d’étrangers en situation irrégulière que les autorités imposent de reconduire à nos frontières en plus par rapport à2006.
Remarquons aussi que la loi du 7 août 2004 n’autorise les tests de filiation génétique que dans le cadre de mesures d’enquête lors d’une procédure judiciaire.
Pourquoi risquer d’assimiler l’immigration à un délit, une fois deplus ?
Pourquoi jeter une fois de plus la suspicion sur les étrangers qui ne sont tolérés que s’ils sont « choisis » et mettre en doute leurs capacités affectives !
Ne sommes-nous pas en train de transformer la paternité en parentalité, en Occident, et de démontrer que le lien biologique n’est pas nécessaire pour exercer le métier de parent.
Je pense à toutes les adoptions (« Arche de Zoé » compris) et à toutes les demandes d’adoption émanant des couples homosexuels.
Et ce serait à ce moment de notre évolution psycho-sociologique que nous imposerions un retour en arrière à ces ressortissants d’Afrique, qui auraient beaucoup à nous apprendre sur la cohésion familiale et sociale, en leur imposant de prouver leur paternité ?
N’est-ce pas faire injure à leur conception de la famille et de la protection des enfants et des aînés ? N’est-ce pas faire injure à tous nos candidats à l’adoption ?
Certes, il ne s’agit pas (pas encore ?) de délivrer des « Ahnen Pass » (certificats généalogiques de l’époque nazie prouvant qu’on était authentiquement aryen et allemand et non juif), mais la tentation de surveiller et contrôler se développe sous nos latitudes (voir la vidéosurveillance accrue).
Comment ne pas rappeler les déclarations récentes du prix Nobel Watson, qui a mis en évidence la structure moléculaire de l’ADN, affirmant que les Africains étaient moins intelligents que les Occidentaux !
J’ai une suggestion législative : imposer un test ADN à tous les pensionnaires de nos maisons de retraite abandonnés à leur solitude pour retrouver leur progéniture « irresponsable ».
Et là, il s’agirait incontestablement non pas de quelques dizaines de tests ridicules et dangereux idéologiquement, mais de milliers qui concerneraient des Français « pure souche ».
Une fois de plus, stigmatiser l’étranger, bouc émissaire, permet de se tromper de cible sociologiquement et d’appliquer la politique de l’autruche (et pas de l’Autriche) !
Dr Georges Yoram Federmann, psychiatre, Strasbourg
Prud’homicide annoncé
La ministre de la Justice a programmé la fermeture de 63 tribunaux de prud’hommes. C’est dans l’indifférence générale que se fera cette forfaiture contre la partie la plus fragile du monde du travail.
Les salariés des milliers de petites boîtes du privé où il n’y a pas de syndicat n’ont pas d’autre recours que les prud’hommes quand ils se font gruger par leur patron. Et les employeurs qui s’assoient sur le droit du travail, ça existe, comme existent ceux qui ne payent pas les heures supplémentaires, ceux qui ont le licenciement facile. Avec les 271 tribunaux actuels, seulement 1 salarié sur 10 saisit les prud’hommes quand il se fait « avoir » par son patron, alors, demain, avec l’éloignement provoqué par la suppression des 63 tribunaux, il y en aura encore moins. Se taper 50 kilomètres et attendre sept mois ou un an pour récupérer un salaire dû, pour contester un licenciement, pour simplement faire valoir ses droits, ça pousse à renoncer. C’est bien l’effet recherché par cette prétendue réforme. Les prud’hommes se sont forgés en parallèle aux luttes ouvrières ; adossés au code du travail, ils sont là pour trancher en termes de droit les conflits du travail, individuels et collectifs. Pas étonnant qu’un gouvernement et un Medef qui veulent s’en prendre au code du travail s’attaquent d’abord à la juridiction qui a pour mission de le faire appliquer. J’espérais qu’un journal tel que Politis ne négligerait pas cet aspect majeur de la situation sociale aujourd’hui.
Gisèle Moulié, syndicaliste à Solidaires
Nous avons publié un écho sur le sujet dans le n° 977 de Politis , et l’ouverture économique du numéro de cette semaine (979) l’aborde également (p. 10) .