En arrière, toute !
Les premières mesures du Grenelle – un bonus-malus pour les voitures et la suspension de cultures OGM – sont bien moins audacieuses que prévu. Les associations, écartées du suivi, témoignent de leur déception.
dans l’hebdo N° 980 Acheter ce numéro
L’Alliance pour la planète proteste : « Il faut interrompre un processus opaque et unilatéral, qui sape les résultats du Grenelle. » Le collectif, qui regroupe quatre-vingts associations écologistes, a manifesté son irritation, la semaine dernière, en suspendant sa participation au suivi du Grenelle de l’environnement. Ça tombe bien : de suivi, il n’y en a pas.
Le 26 octobre : congratulations générales autour de la validation par Nicolas Sarkozy des avancées du Grenelle. Un mois et demi après : déception tout aussi générale. Dans les associations, mais aussi à la CFDT, et même (dans une moindre mesure) au Medef et à la FNSEA, les critiques fusent, et l’on réclame l’application des promesses. À commencer par la participation aux décisions des quatre collèges (associations, syndicats, collectivités territoriales et patronat) qui ont mené pendant trois mois les négociations aux côtés de l’État.
Le malus ne concernera que 25 % des véhicules, et sera quasiment indolore pour les automobilistes aisés.
MCNEW/AFP
En effet, hors-jeu depuis fin octobre, c’est « par la presse » que les associations ont pris connaissance des premières mesures d’application, particulièrement faibles, réfutant même parfois les consensus arrachés lors des négociations. « C’est catastrophique, déplore Anne Bringault, directrice des Amis de la Terre. On assiste à une reprise en main de l’administration, où certains veulent leur revanche. » Selon les associations, la médiocrité de cette mise en oeuvre est largement due au retour des vieilles habitudes des ministères, cogérant les politiques avec les lobbies industriels et agricoles, subissant l’inertie des administrations, etc. « C’est une période transitoire chaotique, compliquée et préoccupante » , convient Jean-Paul Besset, conseiller politique de Nicolas Hulot.
Premier recul : le mécanisme de bonus-malus destiné à favoriser l’achat des voitures les plus « propres ». Il prévoit, dès janvier, l’octroi d’une prime de 200 à 1 000 euros pour les véhicules émettant moins de 130 grammes de CO2 au kilomètre et un surcoût de 200 à 2 600 euros pour ceux qui émettent plus de 160 g/km. Si la mesure était attendue, son impact devrait être modeste. Car le seuil de 130 g/km a été retenu sous la pression du lobby des constructeurs, au lieu de 120 g/km. Ensuite, la fourchette 130-160 g/km, qui représente 45 % des ventes, n’est pas affectée par le mécanisme.Le malus ne concernera donc que 25 % des voitures, et son montant maximum 1,4 % des véhicules. Le coût moyen de ces derniers étant de 53 240 euros, autant dire que le malus sera indolore et donc inopérant. Surtout, ce bonus-malus ne s’applique qu’à l’achat du véhicule alors qu’il était prévu qu’il soit annuel, sorte de « vignette CO2 » qui aurait permis de financer le développement des transports les moins polluants, et d’aider les ménages modestes.
La déconvenue est encore plus perceptible sur le dossier OGM : alors que les opposants avaient obtenu l’assurance que serait activée la « clause de sauvegarde » prévue par la Commission européenne un moratoire qui gèlerait la culture du maïs Mon810 [^2] pour plusieurs mois , le ministre de l’Agriculture ne brandit qu’un petit arrêté (signé le 5 décembre) suspendant la vente des semences de cette variété jusqu’au 9 février. À cette date, devrait être publiée une loi organisant la cohabitation entre cultures transgéniques et conventionnelles, ouvrant la possibilité aux agriculteurs de semer du Mon810 dès le printemps prochain. « En gros, le gouvernement interdit… la culture hivernale du maïs ! » , s’esclaffe Stéphen Kerckhove, coordonnateur du réseau Agir pour l’environnement.
Quant à la Haute Autorité chargée de délivrer des avis sur les OGM, elle en est au stade d’un « comité de préfiguration » temporaire. Ses deux collèges (scientifiques d’un côté, économistes, sociologues et environnementalistes de l’autre) sont chargés de faire des propositions sur la composition et le fonctionnement de cette instance, ainsi qu’une évaluation sur les effets sanitaires et environnementaux du Mon810. « Un simple organe consultatif, nous sommes déçus, explique Arnaud Gossement, de France Nature Environnement (FNE), le gouvernement aurait pu être plus audacieux, en considérant notamment qu’une frange importante des agriculteurs ne soutient pas les OGM. » Pourtant, les associations ont accepté trois postes dans ce comité, afin de ne pas pratiquer la politique de la chaise vide. Elles sont dépourvues de moyens de pression et doivent se contenter de la parole du ministre de l’Écologie. « Il nous assure que les projets de loi rehausseront le niveau des premières mesures » , rapporte Yannick Jadot, de Greenpeace, et porte-parole de l’Alliance pour la planète. Jean-Paul Besset, pour sa part, croit savoir « que la concertation devrait reprendre après la conférence de Bali sur le climat » .
[^2]: La seule plante transgénique autorisée en culture commerciale en France.