L’État se fait la malle
Les acteurs du cinéma et de l’audiovisuel réunis en marge du Festival
de cinéma de Vendôme ont dénoncé le désengagement du ministère
en matière d’action culturelle. Et appelé à un rassemblement en janvier.
dans l’hebdo N° 980 Acheter ce numéro
Démantèlement, Suite. La baisse des crédits alloués aux directions régionales des affaires culturelles (Drac) secoue le milieu du cinéma et de l’audiovisuel. Témoin : la table ronde organisée le 6 décembre, en marge du Festival du film de Vendôme, sur le thème « Le cinéma et l’audiovisuel dans la décentralisation », a été l’occasion de lancer un appel à se mobiliser « pour lutter contre le désengagement de l’État en matière d’action culturelle dans le domaine du cinéma et de l’audiovisuel, qui s’inscrit dans un désengagement plus large, menaçant l’ensemble de la culture en France » . Venant s’ajouter à une série d’initiatives du même ordre (voir Politis n° 978), ce texte [^2] rappelle que sont directement visés la circulation des oeuvres et leur rencontre avec un public large, la diffusion du patrimoine cinématographique, l’accès à la diversité de la production, la sensibilisation et la formation des publics et l’aménagement culturel du territoire, notamment en zone rurale et périurbaine. « Difficile de rester serein , a commenté, à la tribune, Antoine Leclerc, délégué général de l’association Carrefour des festivals, qui fédère une cinquantaine de structures. On est en décembre, les projets pour 2008 démarrent dans trois semaines, et les festivals ne savent toujours pas quelles aides ils vont recevoir de l’État. C’est habituel, certes, mais, cette année, le risque pour certains est de disparaître complètement. »
La part de l’État représente entre 5 et 20 % du budget de ces structures, et de 10 à 12 % en moyenne. La baisse de ces crédits entraînerait des pertes sèches de 30 à 40 % pour ces opérateurs. « Insurmontable , tranche Antoine Leclerc, mais, de plus, cela va avoir un impact sur toute la filière. » Création, production, distribution, diffusion : toute l’économie du secteur va s’en trouver chamboulée. La pétition lancée le 6 décembre appelle tous les acteurs de l’action culturelle en France à un rendez-vous le 11 janvier à Paris « pour combattre ensemble les effets négatifs des arbitrages budgétaires pour 2008 » . Cinq millions d’euros : c’est le montant consacré à la diffusion du cinéma dans les Drac. Fondamentale à la survie de ceux qui oeuvrent pour le cinéma de création, cette somme fait figure de cacahuète dans le budget global. « C’est évident que les motivations ne sont pas d’ordre économique mais idéologique » , a tempêté Eugène Andréanszky, délégué général des Enfants de cinéma, qui pilote le dispositif École et cinéma.
Les deux représentants du Centre national de la cinématographie (CNC) invités à la rencontre paraissaient gênés aux entournures. « On est dans un moment d’arbitrage, d’entre-deux, on ne sait pas où on va , a hésité Anne Cochard, directrice de la création, des territoires et des publics. Sur les deux sources de financement du cinéma, le programme en direction de la création, des festivals et de la diffusion est effectivement menacé. Sans compter que la revue générale des politiques publiques, vaste expertise de révision lancée par le gouvernement, va forcément déboucher sur une redéfinition des rôles de l’État, des collectivités et du CNC. Mais une chose est sûre : la deuxième source de financement, à savoir le fonds de soutien du CNC, ne sera pas touchée. Essayons de garder courage. »
Malgré de sombres perspectives, l’heure était plutôt au dynamisme à Vendôme. Centre images, organisateur de la rencontre, avait convié à la tribune un certain nombre d’acteurs à l’origine d’initiatives probantes en matière de diffusion, le sujet à l’ordre du jour. Quelles politiques territoriales ? Comment rééquilibrer aides à la création et aides à la diffusion ? Ce fut aussi l’occasion de soulever un autre problème majeur : le passage au numérique. Les multiplexes s’équipent, accroissant l’écart avec les salles indépendantes. L’intérêt est évident : une copie en argentique coûte environ 1 000 euros, une copie numérique, 150 euros. Mais, pour s’équiper, il faut débourser de 50 000 à 85 000 euros.* « Avant de parler de format, parlons plutôt de ce que l’on va projeter », s’est agacée Fabienne Hanclot, de l’Agence du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid). « Les exploitants de salles ne voient plus les films qu’ils diffusent » , a renchéri un participant. Et quid des projectionnistes, dont le métier va se résumer « à appuyer sur « play » et « stop » ? » Réponse du CNC : un groupe de travail planche sur la question du numérique, il doit se réunir au premier trimestre 2008. D’ici là, « ne cherchez pas à vous équiper seuls, a conseillé Rafaël Maestro, directeur de Ciné-passion en Périgord *. Il y a environ 1 000 salles de proximité en France, qui totalisent 40 millions d’entrées par an. Si elles se regroupent, on pourra négocier. »* Se rassembler, mutualiser : les maîtres mots d’un secteur inquiet.
[^2]: À lire sur www.pour-politis.org