« Des crimes de guerre »
Un expert de l’ONU condamne en termes particulièrement explicites les raids israéliens sur Gaza. Mais les grandes capitales restent sur la réserve.
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En d’autres lieux, ce qui se passe depuis une semaine à Gaza susciterait l’indignation de la communauté internationale. Ici, rien, ou presque, sinon des protestations de pure forme de la part de la Commission européenne, et de Washington demandant à Israël « d’épargner » les victimes civiles. Des images d’enfants mutilés et de corps déchiquetés peuvent circuler dans nos journaux télévisés. Rien. Dans ce silence assourdissant, la voix du rapporteur spécial de l’ONU pour les droits de l’homme dans les territoires occupés prend une résonance particulière. Samedi, John Dugard a dénoncé les « lâches crimes de guerre » commis par Israël dans la bande de Gaza.
Le blocus israélien décrété à Gaza va priver les Palestiniens de produits alimentaires de base.KHATIB/AFP
Dans un communiqué diffusé par le Haut Commissariat des Nations unies pour les droits de l’homme à Genève, l’expert indépendant a accusé Israël de recourir à un châtiment collectif et de ne pas distinguer entre cibles civiles et militaires. « Les responsables d’actes aussi lâches se rendent coupables de graves crimes de guerre et doivent être poursuivis et sanctionnés », a estimé John Dugard, qui évalue à une quarantaine le nombre des morts en une semaine sous le feu des chars et des bombes israéliens.
Le rapporteur a notamment cité le cas d’un tir de missiles sur un bâtiment administratif à proximité d’une cérémonie de mariage. Israël, a-t-il estimé, ne pouvait ignorer le risque de pertes humaines parmi les civils. John Dugard a jugé que les États-Unis et les autres pays engagés dans le processus de paix d’Annapolis avaient une « obligation à la fois légale et morale » de forcer Israël à mettre fin à son intervention. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU devait se réunir mercredi en session extraordinaire afin d’examiner la situation dans les territoires palestiniens. Cela, à la demande des pays arabes et islamiques, qui ont réuni 22 signatures sur les 47 membres du Conseil.
Depuis dimanche, Israël a ajouté à la violence de ses raids un blocus total du territoire. La principale conséquence a été l’arrêt de l’unique centrale électrique du territoire, provoquant d’importantes coupures de courant. Israël bloque également l’acheminement de produits alimentaires et humanitaires. Il est d’usage dans le discours officiel israélien de présenter ces sanctions collectives comme des « représailles » aux tirs de roquettes Qassam par des activistes palestiniens sur la ville israélienne de Sderot, proche de Gaza. Le porte-parole de l’agence de l’ONU pour les réfugiés (Unwra) a répliqué, dimanche, à cet argument, repris hélas sans l’ombre d’un doute par la plupart des médias occidentaux : « Priver les gens de choses fondamentales comme l’eau revient à les priver de la dignité humaine , a déclaré Christopher Gunness, il est difficile de comprendre la logique qui consiste à faire souffrir des centaines de milliers de personnes pour rien. » En outre, nul ne semble s’interroger sur les motivations des tireurs de roquettes. Même si ce mode d’action est infiniment discutable, ne serait-ce que parce que ses victimes sont aussi des civils, il n’aurait pas cours si Gaza n’était pas tenu par Israël dans une situation permanente d’asphyxie économique. Comme toujours, l’occupation militaire, cause de ce conflit, est occultée de l’analyse. Car l’évacuation des huit mille colons de Gaza, en août 2005, n’a évidemment pas mis fin à la mainmise d’Israël sur cet étroit territoire d’un million et demi d’habitants, auquel tout débouché économique et commercial est refusé.
La rupture survenue au mois de juin dernier entre l’Autorité palestinienne et le Hamas est en outre un facteur aggravant de la crise à Gaza. L’extrême violence israélienne a au moins eu pour effet un début de retour au dialogue au sein du mouvement palestinien. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a appelé mercredi l’un des responsables du Hamas, Mahmoud Zahar, dont le fils avait été tué la veille par l’armée israélienne. Mahmoud Zahar est l’un des principaux dirigeants du Hamas à Gaza. Les deux hommes ont évoqué la nécessité de l’unité palestinienne. Il serait grand temps.