Lambert vu par Stora

Politis  • 31 janvier 2008 abonné·es

De Pierre Lambert, qui vient de mourir à 87 ans, l’historien Benjamin Stora, lui-même ancien militant trotskiste, brosse un portrait nuancé dans un récit autobiographique, la Dernière Génération d’Octobre [^2] . Il y met en évidence le goût du secret, qui, mieux que tout, définissait la personnalité d’un homme qui a construit un courant politique à son image. La branche du trotskisme que l’on a coutume d’appeler « lambertiste » (aujourd’hui, le Parti des travailleurs) est aussi peu visible dans les médias qu’influente dans le mouvement syndical, notamment à Force ouvrière.* « Fin praticien, écrit Stora, Pierre Lambert savait se repérer dans les mouvements de masse, les grèves, les conduites de manifestations politiques ou les congrès syndicaux. Il savait ce qu’était le travail d’une organisation, comment construire un appareil politique, choisir des hommes pour une direction qu’il pouvait contrôler[…]. Cependant, ce n’était pas un homme impressionnant du point de vue de la connaissance théorique du marxisme […] , il avait peu de références idéologiques et connaissait mal les évolutions de son siècle, par exemple l’apport de la psychanalyse, […] et plus généralement l’apparition de processus culturels singuliers. Il se montrait très méfiant vis-à-vis des nouveaux mouvements sociaux : les écologistes, les mouvements féministes, les associations de défense des immigrés ou des homosexuels. Tout ce qui pouvait contribuer à la construction de nouvelles « avant-gardes » politiques, et qui pouvait surgir à l’intérieur ou à l’extérieur de la classe ouvrière, était perçu comme un danger faisant obstacle à la construction du « parti révolutionnaire » » .

Pour Stora, Lambert était « fondamentalement un homme marqué par la Résistance, la période de la Libération et la première partie de la révolution algérienne, entre 1954 et 1958, au moment où il était très lié avec Messali Hadj [le père de l’indépendance algérienne, NDLR] ». « Dans le fond , s’interroge Stora, avait-il vraiment bien saisi mai 1968 comme acte inaugural dans la société française ? »

[^2]: La Dernière Génération d’Octobre, réédité aux éditions Pluriel, 275 p., 8 euros.

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