Politis a 20 ans : Un journal d’aujourd’hui
Ce numéro anniversaire de « Politis » est moins rétrospectif qu’ancré dans le présent. S’il revisite sa mémoire, c’est pour mieux affirmer le rôle qu’il doit jouer de relais des alternatives contemporaines. Un vaste cahier spécial à consulter dans notre rubrique **Médias** .
dans l’hebdo N° 986 Acheter ce numéro
« Politis a 20 ans. » Comme ces mots résonnent à nos oreilles ! « Politis a 20 ans ». Sans doute, le plaisir et la fierté particulière que nous ressentons à l’énoncé de cette simple phrase s’expliquent en partie par le sentiment d’incrédulité qui a longtemps accompagné ce journal sur ses chances de survie. Et par le souvenir encore frais de la crise de l’automne 2006, à l’issue incroyable : sauvé par ses lecteurs, Politis voit désormais son sort uniquement reposer entre les mains de son équipe. Cette indépendance est ô combien précieuse, à l’heure où les contraintes financières et les pressions politiques s’unissent pour réduire toujours plus la liberté d’expression des journalistes. Qu’il nous soit d’ailleurs permis ici de souhaiter à notre illustre confrère le Monde de trouver à la crise qu’il traverse une solution préservant l’indépendance de ses rédacteurs.
Mais ces mots, « Politis a vingt ans », nous renvoient moins vers le passé qu’ils nous ancrent dans le présent. Avec une singulière intensité, ils nous confortent dans l’idée que Politis est un journal de notre temps et dans notre temps. Non que nous nous empressions soudain à « être absolument modernes ». Ce journal a toujours considéré l’injonction de notre époque à la modernité avec une juste distance critique. Il s’est toujours méfié de ceux qui se revendiquent de Rimbaud pour mieux le réduire à un slogan de Séguéla. Il ne cesse de dénoncer la délégitimation des projets progressistes pour leur prétendu « archaïsme » quand des politiques destructrices des droits sont louées pour leur « modernisme ».
Non, c’est un tout autre sentiment qui nous anime aujourd’hui : celui d’avoir plus que jamais un rôle à jouer. Celui d’être en phase avec les réflexions et les aspirations, les colères et les espoirs d’un nombre grandissant d’habitants de notre pays (et d’ailleurs), qui pour certains sont nos lecteurs. Cela peut se résumer ainsi : la conscience aiguë, osons le mot, de la nécessité de Politis . Le propos peut sembler immodeste. Il témoigne simplement de ce que notre façon d’accomplir notre métier continue à produire du sens à nos yeux.
Un journal de notre temps et dans notre temps, donc. Avec, nous l’espérons, les caractéristiques de son âge, en particulier la vigueur et la témérité pour lutter contre l’esprit de résignation, qui annihile la vigilance face aux injustices et au saccage de notre planète, et mine tout aussi bien le journalisme lui-même. En voici deux exemples : le défaut d’esprit critique dont ont fait preuve trop de confrères en s’esclaffant à la moindre plaisanterie fine du président de la République lors de sa dernière conférence de presse ; l’abandon d’une certaine ambition intellectuelle, qui, au prétexte que le niveau des « gens » baisserait, impose phrases courtes, grammaire étique, vocabulaire appauvri, bref, une pensée simplifiée, sinon simplificatrice, dont on aurait tort de croire qu’elle est le gage d’une pensée claire.
Politis, journal d’aujourd’hui, cela signifie qu’il est à l’écoute des alternatives contemporaines, sérieuses et gaies, réalistes et subversives, et qu’il relaie ceux qui en sont les promoteurs et les défenseurs. Où qu’ils soient : dans leur bureau, leur classe, leur champ, leur entreprise, sur tous les chemins de traverse. Et quelles que soient les circonstances : une campagne électorale, un débat d’idées, une bagarre contre des mesures mortifères… On ne s’étonnera donc pas que Politis ait dans ses projets de s’ouvrir plus encore à ces réalités, vécues chaque jour par beaucoup de nos lecteurs, et qui n’ont pas moins de poids que d’autres, plus people sans doute, et par là même plus souvent représentées dans les médias.
Politis a 20 ans. Nous avons souhaité célébrer l’événement comme nous le ressentions. Sans être outre mesure rétrospectifs, mais en rappelant notre mémoire, nos engagements, notre identité. Pour réinterpréter un certain nombre de grands événements qui ont eu lieu au cours de ces deux décennies, nous avons fait appel à un « grand témoin », François Maspero. Enfin, nous avons voulu raconter comment Politis se conçoit, se fabrique et se diffuse. Et rencontrer quelques-uns de ses lecteurs. Une sorte d’opération portes ouvertes en quelque sorte. Pour mieux faire connaître comment ce journal existe. Ce journal a 20 ans. L’âge des possibles !