Une garantie discutable

FLO-Cert, filiale de l’ONG FLO International, a été reconnue organisme certificateur indépendant. Une accréditation qu’elle attendait depuis cinq ans, mais qui en inquiète certains : est-elle suffisamment indépendante ?

Philippe Chibani-Jacquot  • 24 janvier 2008 abonné·es

Voilà cinq ans que Max Havelaar l’annonçait comme imminente. Critiquée pour le manque d’indépendance de son système de contrôle et de certification, FLO International (ONG regroupant les dix-neuf initiatives nationales de promotion de Max Havelaar) devait montrer patte blanche pour obtenir l’accréditation d’organisme de certification (OC) indépendant, dans le respect de la norme ISO 65 (ou EN 45011 en Europe). L’accréditation était prévue début décembre (voir Politis n° 979). Finalement, FLO-Cert et Max Havelaar ont annoncé la nouvelle le 9 janvier.

Illustration - Une garantie discutable

Les produits Max Havelaar pourront bénéficier de la certification FLO-Cert. DANIAU/AFP

Un premier pas a été franchi fin 2003, lorsque l’activité de contrôle et de certification des organisations de producteurs a été dissociée des activités d’accompagnement et de promotion au sein de FLO-Cert, société commerciale de droit allemand dont l’unique actionnaire est FLO International. FLO-Cert a été évaluée par le DAP, équivalent allemand de notre Cofrac (Comité français d’accréditation).

L’ISO 65 habilite ses titulaires à contrôler et à certifier des entreprises désireuses d’afficher leur respect d’un label (type AB) ou d’une norme (ISO 14001, 9000, etc.). Dans le cas de FLO-Cert, l’accréditation ne vaut que pour son contrôle du système de garantie du commerce équitable. « C’est la première fois qu’un système de certification est accrédité pour vérifier des standards sociaux combinés à des indicateurs de développement » , relève Pieter Louw, responsable qualité à FLO-Cert. Cette première est probablement la grande victoire de FLO, qui peaufine ainsi son image de précurseur de la garantie équitable, alors que les questions de normalisation du commerce équitable sont toujours à l’ordre du jour au niveau européen et international : « Dans les futures réglementations, nous servirons de référence pour tout nouveau système de certification de critères sociaux » , affirme Pieter Louw. En faisant reconnaître sa spécificité sur l’évaluation de démarches sociales et de développement, FLO-Cert gagne aussi du terrain dans un contexte de concurrence entre les différents logos et marques de qualité équitable [^2]
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Un des obstacles à l’accréditation ISO 65 de FLO concernait son indépendance : celui qui édite les cahiers des charges ne peut être celui qui les vérifie. C’est pour cette raison que FLO-Cert a été créée, fin 2003. Toutefois, le lien persiste aujourd’hui puisque FLO International est l’unique actionnaire de FLO-Cert. Il semble que ce détail ne soit pas contraignant pour le DAP. « Nous disposons de notre autonomie financière, assurée par notre chiffre d’affaires, explique Pieter Louw *, nous sommes contrôlés annuellement par le DAP, et le comité de certification est composé de personnes extérieures à FLO. »* Le chiffre d’affaires provient de la facturation des audits de contrôle. Pour une coopérative regroupant 700 producteurs de café en Équateur, la facture s’élève à environ 2 200 euros. La répartition des rôles entre FLO-Cert et FLO International permet de financer ce contrôle, notamment pour les organisations qui tentent d’intégrer le registre FLO pour la première fois.

La qualité d’OC oblige aussi FLO-Cert à traiter de manière égale tout candidat à la certification. Les coopératives de producteurs, bien sûr, mais aussi les opérateurs en aval de la production : importateurs, transformateurs, exportateurs, qui ont à justifier de la traçabilité des matières premières équitables. Les critères établis par les standards de FLO International ne prévoyant pas de limiter l’accès à des opérateurs en fonction d’une proportion minimum du chiffre d’affaires réalisé en équitable ou de leur nature, des situations inédites se font jour. Comme au Pérou, où le principal exportateur de café est entré dans les registres de FLO. Et Huancaruna SA a été certifié en avril 2007, ce qui a provoqué une levée de boucliers des producteurs : Huancaruna « tente toujours d’empêcher les processus d’organisation des producteurs par l’intermédiaire de mécanismes irréguliers d’intervention sur le marché. L’un de ces mécanismes consiste à surpayer temporairement les producteurs dans les zones où existent des organisations, de façon à détourner les producteurs de leurs organisations » , explique Arnaldo Neira Camizan, président de la coordination des petits producteurs du commerce équitable du Pérou. Impossible pourtant pour FLO-Cert de refuser de certifier l’opérateur, qui garantit le respect des conditions équitables sur une infime partie de son activité. « Des plaintes nous sont parvenues, nous vérifierons lors de notre prochain audit annuel s’il y a eu transgression des standards ou de la législation nationale » , précise Pieter Louw.

FLO International n’envisage pas pour autant de modifier ses standards. « FLO doit poser des conditions contractuelles pour que ces nouveaux opérateurs ne puissent être des prédateurs », explique Jean-Pierre Doussin, président de Max Havelaar France. FLO International a choisi d’ouvrir au maximum les débouchés pour les producteurs, même ceux qui symbolisent le plus l’inéquité. L’organisation se sent prête à dompter le loup dans la bergerie. Certains s’en inquiètent déjà.

[^2]: Ecocert, fort de son statut d’OC, a lancé son propre cahier des charges, intitulé ESR (Équitable, solidaire et responsable) en 2007.

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