« Une nouvelle représentation pour ceux qui luttent »
Olivier Besancenot entend créer un outil politique répondant aux attentes des nombreux déçus de la gauche tradition-nelle qui veulent résister aux effets du capitalisme.
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Pourquoi créer un parti anticapitaliste maintenant ?
Olivier Besancenot : C’est le bon moment. Des résistances sociales existent. Elles se sont radicalisées avec l’élection de Nicolas Sarkozy, mais elles restent orphelines d’un débouché politique, pas forcément électoraliste, ayant une vision globale de la société et la volonté de se représenter soi-même politiquement pour tenir tête aux actions de la droite. Enfin, il existe au ban de la gauche traditionnelle, et en rupture avec elle, une masse de gens qui veulent résister aux effets du capitalisme. On l’a senti au moment du Traité constitutionnel européen, et les mobilisations de ces dernières années, notamment contre le CPE, l’ont confirmé. Ce constat et notre place dans les élections nous donnent une responsabilité un peu particulière.
Le fait que vous soyez arrivé en tête de la gauche antilibérale ?
C’est un peu plus durable. Depuis quelques années maintenant, on occupe une place jugée de plus en plus visible et utile. Assez en tout cas pour que plusieurs milliers de personnes, qui ne se retrouvent pas dans l’entièreté de ce qu’est ou a pu être la LCR, se retrouvent sur ce qu’on dit et fait et sont prêts à faire un bout de chemin avec nous.
Qu’entendez-vous par construire ce parti « par le bas » ?
Cela fait vingt ans que la LCR s’emploie à le construire par le haut en essayant de recoller les vieux morceaux de la gauche radicale et de mettre d’accord ses principaux dirigeants. Nous n’y sommes pas parvenus parce qu’à chaque fois l’histoire des uns et des autres, y compris la nôtre, pèse. En revanche, on constate « en bas » un souffle d’expériences fondatrices, notamment celui d’une nouvelle génération militante qui, elle, n’est pas marquée par le poids des échecs du passé. Cette nouvelle génération, pas seulement des étudiants, mais des jeunes de quartiers populaires et des jeunes salariés, peut être un cadre contraignant. On ne tire pas pour autant une croix sur les discussions avec les autres organisations de la gauche radicale. On a discuté avec LO, avec les Collectifs antilibéraux, avec des sections et des groupes du PC, et on continuera à le faire. Mais ce parti ne peut pas être un cartel d’organisations existantes.
C’est le regroupement de la LCR et de ses sympathisants ?
Non. Si dès le départ on s’était fixé pour but de rassembler les sympathisants de la LCR, on aurait élargi la LCR. Les rencontres engagées depuis cet été vont bien au-delà. On touche des gens dont l’histoire et le parcours ne sont pas les nôtres, beaucoup de syndicalistes et des gens vierges de toute expérience politique. Pour nous, il ne s’agit pas de recomposer, c’était l’objectif auparavant, mais de reconstruire, notamment en mettant en avant ce qui mord le plus chez les syndicalistes : l’idée de se représenter soi-même. Et se doter d’un outil politique qui assure une nouvelle représentation pour ceux et celles qui luttent.
Est-ce la disparition programmée de la LCR ?
Si un nouveau parti voit le jour, ce qu’on espère, la LCR, son hebdomadaire et son sigle n’auront plus vocation à exister. Nous ne maintiendrons pas une organisation dans l’organisation.
Accepteriez-vous d’être minoritaire dans ce nouveau parti ?
Il y a des objectifs vachement plus enthousiasmants ! Dans un nouveau parti, les lignes de clivage, y compris celles qui existaient au sein de la LCR, ne seront plus les mêmes. J’espère que celui-ci aura une orientation majoritaire anticapitaliste et révolutionnaire. C’est plus emballant. Nous n’avons jamais dit non plus que ce serait le nouveau grand parti qui fait cruellement défaut pour des millions de personnes. Mais, entre ce grand parti et la LCR, il y a un juste milieu qu’on essaie d’occuper. On franchit une étape quantitative et qualitative, mais ce ne sera pas le nouvel horizon politique indépassable.</>
Quelle perspective de conquête du pouvoir donnez-vous à ce « parti révolutionnaire » ?
La perspective stratégique globale sur la question du pouvoir, c’est d’avoir une défiance vis-à-vis du pouvoir actuel et une défiance quasiment libertaire du système institutionnel. On voit bien que ce pouvoir-là rend ivres et dingues la plupart des responsables politiques, y compris ceux de la gauche. On n’imagine pas que nos idées, qui ont vocation à devenir majoritaires, puissent être appliquées dans ce cadre institutionnel. Un gouvernement anticapitaliste, c’est d’abord un pouvoir qui fonctionne non pas du haut vers le bas, mais du bas vers le haut, afin que le pouvoir lui-même soit partagé et contrôlé par la population réunie en assemblées (de quartier, d’entreprise…), afin de prendre un maximum de décisions au plus près des gens.
Nous ne sommes pas opposés au fait de participer aux institutions sur la base de notre indépendance politique. Cela nous permettra d’être présents, notamment là où il y a de la proportionnelle, sur les bancs des assemblées, sur la base d’une liberté de parole et de proposition. Cela a déjà été le cas pour la Ligue au Parlement européen, dans les conseils régionaux et les conseils municipaux.
Vous avez défini ce parti comme « mi-guévariste mi-libertaire », qu’est-ce que cela signifie dans un pays « moderne » ?
La presse a prétendu cela. J’ai simplement dit que ce parti n’avait pas vocation à regarder le passé. Nous tournons une page de notre histoire. Il ne s’agit pas de construire un parti trotskiste de plus : aucun courant révolutionnaire à lui seul ne peut prétendre résumer toutes les expériences du passé. Et quand ce parti doit regarder le passé, ce doit être pour puiser le meilleur de l’héritage du mouvement ouvrier : le meilleur de l’héritage marxiste, socialiste, communiste, trotskiste, libertaire, guévariste ou encore d’autres.
Ce n’est pas un parti guévariste, libertaire. Il ne s’agit pas de faire un attrape-mouches avec des intitulés, mais de regarder l’avenir en lui faisant face et de regrouper tous ceux qui veulent réfléchir à ce que pourrait être le socialisme du XXIe siècle et agir en conséquence.