Chanter pour des idées

Christian Roux, en concert cette semaine, dit en musique et en roman les révoltes sociales et intimes.

Gilles Costaz  • 14 février 2008 abonné·es

On compte sur les doigts de la main les artistes qui ont un pied dans le roman, un autre dans le théâtre… et un troisième dans la chanson et la musique. C’est le cas de Christian Roux, dont le dernier album, Défardé , escorté par une série de récitals, devrait lui mériter une place plus élevée dans la chanson. « Crever pour crever/Autant que ce soit pour des idées » , chante cet admirateur de Brel, Tom Waits et Joplin. Ses mots crient, mais aussi jouent entre eux, chopent les états d’âme, s’enchantent de la force des sentiments, traduisent dans une forme entêtante les obsessions majeures. Sa musique syncopée porte des douceurs de velours, des révoltes de fer et des émotions de caféine. « Défardé » égale mise à nu et mise au jour.

Christian Roux est aussi l’auteur de trois romans, a écrit les musiques des films de Philippe Barassat ( le Nécrophile ) et travaille régulièrement avec le théâtre du Mantois, où, entre autres, il compose les partitions des pièces de l’auteur directeur Eudes Labrusse. Il vient de ces zones de la région parisienne où l’on court plus de risques qu’ailleurs de tourner mal. Enfant, il voulait être pianiste, découvrait le jazz et le rock et ne lisait rien. Jusqu’au jour où un professeur de français, qui pleurait d’admiration en détaillant Madame Bovary, le poussa à aller de lui-même vers ses futurs auteurs fétiches, Tzara, Breton, Soupault, sans parler de John Fante, qu’il lut plus tard, et dont il dit : « Dès que j’ai une panne d’écriture, j’ouvre un John Fante. »

Un moment instit, il préféra faire toutes sortes de petits boulots et participa à divers groupes musicaux. Sa rencontre avec Nicole Champenois a été déterminante. Elle chante avec lui, apporte sa touche vocale et humaine, fait des chorégraphies. Christian Roux interpréta avec elle son premier album, Y a eu des jours, y a eu des nuits . « Un flop total , dit-il en riant. Mais le métier nous compare avec des artistes qui travaillent avec d’énormes moyens alors que nous avons des bouts de ficelle. » Pour les romans, le coup d’envoi a été donné par les éditions du Serpent à plumes. Alors que le manuscrit de Bracages était refusé partout, l’éditrice Tania Capron crut au texte, jusqu’à ce que, retravaillé, remalaxé, il lui paraisse apte à la publication. Aujourd’hui, ce roman de politique-fiction, écrit dans la fureur de voir monter le FN dans les années 1990 (on y voit des SDF manipulés par des fascistes), est réédité par Folio-Policier et pourrait devenir un film, dont Roux a écrit le scénario.

En résidence à la Batterie de Guyancourt, Christian Roux et Nicole Cham-penois travaillent à un prochain album. Lui s’est attelé à un nouveau roman et pourrait, un jour, écrire pour le théâtre. « Crever pour crever/Autant que ce soit pour des idées »

Culture
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