Courrier des lecteurs Politis 991

Politis  • 27 février 2008 abonné·es

La mémoire instrumentalisée

Nicolas Sarkozy croyait sans doute flatter son assistance, lors du dîner annuel du Crif, par une annonce choc, plus forte encore que l’imposition de la lecture de la lettre de Guy Môquet dans tous les établissements scolaires à la rentrée 2007. Ce premier « recel de cadavre » avait fait couler déjà beaucoup d’encre. Instrumentaliser la mémoire historique était devenu un sport présidentiel.

Cette fois le Président annonce avoir « demandé au ministre de l’Éducation nationale de faire en sorte que, chaque année, à partir de la rentrée scolaire 2008, tous les enfants de CM2 se voient confier la mémoire d’un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah ». Onze mille enfants morts soustraits à la douleur intime de leur famille pour servir la politique opportuniste de celui qui se déclarait hostile à toute forme de repentance ! Un « recel » massif de onze mille cadavres, sans concertation ni réflexion préalable sur l’incidence d’une telle mesure et les tensions qu’elle ne manquerait pas de susciter…

À travers l’empathie obligée pour Guy Môquet (dont on tentait cependant de taire l’engagement communiste), chaque lycéen était déjà encouragé à se sentir « un peu résistant ». En 2008, ce seront les plus jeunes qui seront invités par procuration à se dire qu’ils auraient pu être « Justes parmi les nations » et sauver leurs petits camarades. Au même moment, des enfants des mêmes écoles et leurs familles seront raflés et expulsés en procédures accélérées pour remplir les quotas, supérieurs à vingt mille, fixés par le même Président. Obscène.

Jacques Richaud

Mes devoirs d’instit

ujourd’hui j’ai bien travaillé. D’accord, c’est les vacances, mais après avoir lu, entendu, encore lu et de nouveau entendu mon ministre du moment, j’ai tout compris ce que l’on me demandera de faire à compter de la rentrée 2008. Je sais maintenant que je devrai faire ce que j’ai toujours fait, avec quelques petites choses en plus et quelques autres en moins.

Je devrai faire de la grammaire, tu devras faire de l’orthografe (avec un f , pour économiser des lettres), elle devra faire de la conjugaison, nous devrons faire du calcul mental, de « la Marseillaise » (sauf si c’est à ma collègue de CP de la faire), vous devrez faire de la morale républicaine, et s’il reste un peu de temps, ils devront faire du sport quatre heures par semaine et de l’histoire de l’art. Ça tombe bien, j’ai un faible pour la soie d’Asie et le verre de Baccarat.

J’en oublie, mais désolé, je suis tout ému par tant de nouveautés. Étant bien entendu que la récitation sera demain maîtresse d’une bonne diction (ça en jette, non !).

Grâce à notre ministre du moment, fini les embêtements : adieu ORL, veaux, vaches, couvées et énervement. Bien resserré dans mon nouveau programme, plus de risque de relâchement. Inspecté plus souvent, je serai ; au pire, tous les deux ans. Ce futur (antérieur) ? Un vrai enchantement !

Avec moins d’heures chaque semaine, pour les plus faibles, quelle aubaine ! En petits groupes nous travaillerons, de l’orthografe (avec un f pour économiser des lettres) nous ferons. Petit souci à la maison ? À l’école, nous décortiquerons, peut-être avec le réseau, nous avancerons ! Dans la grammaire nous nous vautrerons : à l’aise, les enfants seront. Après cela, plus de questions : les élèves heureux le soir rentreront, pour les leçons. De grammaire, de vocabulaire et de conjugaison. Mais aussi d’orthographe, avec ph , pour avoir une bonne note à l’inspection.

Allez, je vous laisse à vos réflexions, à vos colères, à vos petites ambitions. N’est-ce pas pour notre bien que le cabinet travaille ? Vous en doutiez ? Eh bien, dormez maintenant. Demain, il sera encore temps de se mobiliser.

Dominique Leblanc, Poitiers

Un site absurde

On ne dira jamais assez qu’Internet est un outil fabuleux qui, parfois, se transforme en monstre. Ainsi, ce site, apparu il y a peu, destiné à permettre aux élèves de noter leurs professeurs, <www.note2be.com>. Dans ce monde de compétition effrénée, dans lequel il devient normal que tout soit noté, dans lequel le chiffre est roi, il était évident qu’on ne pouvait pas éviter l’apparition d’un tel site, avec toutes les dérives qui ne manqueront pas de l’accompagner. L’autre jour, un des créateurs de ce site paradait à l’émission de Laurent Ruquier. Face à une remarque du présentateur craignant que ce site devienne un défouloir pour les élèves à l’encontre des professeurs qu’ils n’aiment pas, ce brave garçon rétorqua que la moyenne des notes enregistrées était légèrement supérieure à 14, et que cela suffisait à prouver le sérieux des notations. Sauf que rien n’empêche de s’inscrire sur ce site en tant qu’élève, sous un faux nom et avec une fausse adresse. Une fois cette inscription enregistrée, vous pouvez noter en quelques minutes plusieurs professeurs dans plusieurs départements ! C’est d’ailleurs ce que je viens de faire sans problème : j’ai mis la note maximale dans les six critères retenus à un professeur de la Loire que je ne connais pas ainsi qu’à deux amies, l’une en Gironde, l’autre dans les Bouches-du-Rhône. Très sérieux, un tel site qui autorise le don d’ubiquité ! En tant que citoyen, il me paraît important qu’il disparaisse au plus vite du paysage informatique. C’est pourquoi je propose que chacun apporte sa pierre à cette disparition en y bidonnant des notes pour quelques professeurs, connus d’eux ou inconnus. En s’y mettant tous, ce sera vite fait.

Jean-Jacques Corrio, Les Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône)

Euréka ! Le vélo électrique!

Ce n’est pas pour me vanter, mais j’habite en banlieue, et mon travail est en banlieue : 20 km de trajet aller-retour. Je n’envisage même pas d’utiliser les transports en commun (trop de changements rendent le trajet très long). J’aime la voiture quand la circulation est fluide, mais les embouteillages me rendent fou. Le scooter est pratique mais dangereux. Le vélo est parfois plaisant, mais s’y astreindre régulièrement est au-dessus de mes forces.

Comme pour des milliers de banlieusards, mon problème de transport semblait dans l’impasse, jusqu’à ce jour à l’île d’Yeu, à l’été 2006. Pour me balader, j’y louai un vélo électrique, et tout s’éclaira ! La divine solution était sous moi. L’accablante condamnation était levée, j’avais la révélation de la liberté retrouvée.

Au retour, j’achetai illico sur Internet un vélo à assistance électrique (VAE). Depuis, je roule, je roule ! Le mollet dominateur, je double dans les côtes des cyclistes ahanant qui n’en reviennent pas. Fini le stress du réchauffeur de planète, et tout ça pour pas cher : 500 km me coûtent un euro d’électricité. En moins d’un an, j’ai remboursé mon achat par l’essence économisée (80 euros par mois). Le président Sarkozy (que Dieu le bénisse) promet du pouvoir d’achat, le vélo électrique nous le donne.

Je n’ai plus qu’un souci : comment faire partager ce bonheur aux foules urbaines ? Comment apporter la bonne parole à tous ceux qui travaillent à moins de 15 km de leur domicile et se sauveraient de la damnation grâce au VAE ?

Mes frères de morose transhumance quotidienne, vous êtes sauvés !

Marc Billiottet, Saint-Maurice (94)

Le PS et Politis

Je souhaite répondre à M. Seroi (courrier des lecteurs du n° 989 de Politis ). Au lieu d’être stupéfait, vous feriez mieux d’être curieux. Politis ne traite en rien des dirigeants du PS, il constate. Ma perception des choses (le PS en l’occurrence) […] est que le PS est à terre parce qu’il n’est pas de gauche ! Si « nous voulons revoir un jour la gauche au pouvoir » , il faut qu’elle fasse une vraie politique de gauche et pas ce déni de démocratie dont le PS est coupable avec son congrès de Versailles. Si la gauche au pouvoir pouvait garder ses valeurs et son âme à gauche, ce serait ça, le vrai miracle.

William Peterson, Gère-Bélesten (Pyrénées-Atlantiques)

Courrier des lecteurs
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