D’abord une question de personne
De gauche comme de droite, un maire qui n’a pas de goût pour la culture développe une politique faible en la matière.
dans l’hebdo N° 990 Acheter ce numéro
À la question «Qu’est-ce qui distingue une politique culturelle socialiste ou de gauche d’une politique culturelle de droite» , Sylvie Robert (PS), aujourd’hui vice-présidente de la région Bretagne déléguée aux affaires culturelles, après avoir été en charge du même dossier en tant qu’adjointe au maire de Rennes, propose cette réponse [^2]~: «~Certaines valeurs comme le respect de la liberté de création, la diffusion des oeuvres et de la connaissance comme moyen d’élever le plus grand nombre vers la liberté sont des valeurs de gauche, des valeurs d’émancipation de l’individu. C’est également lié à des façons de faire de la politique, car la méthode sous-tend souvent le contenu. Moi, je travaille avec les acteurs, dans la confrontation et l’échange. Et je pense qu’une politique de droite, elle, décrète.»
Réponse discutable ~tous les maires de droite ne «~décrètent~» pas en matière de culture~, mais qui a le mérite d’exister dans le désert ambiant, tant le sujet est souvent esquivé. Sylvie Robert, élue dont la compétence est largement reconnue, touche cependant juste à propos de liberté de création notamment. Les cas de censures municipales, ou tentatives de censure, dont l’art contemporain est souvent la première victime, concernent des villes de droite. On se souvient d’une exposition de Jean-Marc Bustamante annulée par la municipalité de Carpentras dans les années~1990, ou plus récemment, en 2005, des mesures de rétorsion prises par la ville de Nice à l’encontre du galeriste Christian Depardieu et de l’artiste Fred Forest pour une oeuvre estimée trop critique.
Mais si la question de la différence gauche/droite est rarement soulevée, c’est qu’elle est peu opératoire. Les mauvais exemples, pour ne citer que quelques-uns d’entre eux, ne sont pas l’apanage d’un seul bord. À la gestion autoritaire de la culture par Georges Frêche (ex-PS), répond le gâchis commis par la ville du Havre (UMP) avec sa scène nationale, le Volcan, tandis qu’on peut s’interroger sur la timidité dont fait preuve la municipalité de Noisy-le-Grand (PS), qui annonce l’ouverture d’un cinéma municipal non loin d’un multiplexe, en évitant l’expression «~art et essai~», qui aurait le mérite d’affirmer son identité.
En réalité, nombreux sont les acteurs du secteur culturel qui pensent comme Karine Delorme, ancienne adjointe de Dominique Perben (UMP) à la mairie de Chalon-sur-Saône, chargée de la culture et démissionnée par le successeur (UMP) de celui-ci: «Si le maire n’éprouve aucun goût pour la culture, il est très difficile, voire impossible, de développer une politique municipale en la matière. Là comme ailleurs, il faut une volonté politique.» Mais celle-ci n’est pas toujours éclairée, et les risques d’instrumentalisation de la culture sont patents. Or, 9,1~% du budget des villes est consacré à la culture~
[^3]
. Organisé en 2004 par la ville de Grenoble et l’Observatoire des politiques culturelles, un séminaire était intitulé~: «L’artiste et le politique~: je t’aime, moi non plus~!» Éloquent.
[^2]: cf. [www.lamouche.biz].
[^3]: Selon les chiffres du département des études, de la prospection et des statistiques du ministère de la culture.