Gauche-droite : quelles différences ?
Les municipales sont avant tout un scrutin local marqué par une grande stabilité. La personnalité des candidats l’emporte sur les étiquettes, dépolitisant une élection aux conséquences bien concrètes. Un dossier à lire dans notre rubrique **Politique** .
dans l’hebdo N° 990 Acheter ce numéro
Le clivage droite-gauche a-t-il un sens aux municipales? Dans les villages où l’écrasante majorité des 36782 maires de France est élue sur des listes d’intérêt communal, la question est accessoire. Mais dans les villes? Àl’origine simple échelon administratif de l’État, la commune y est devenue, avec les lois de décentralisation, un territoire de délibération et de choix. Forcément politiques. «Le concept même d’élection dépolitisée est absurde» , estimait Nicolas Sarkozy, le 8 janvier, en annonçant qu’il s’engagerait dans cette bataille. Le président de la République a fait depuis, on le sait, machine arrière pour cause de sondages défavorables. Cela n’efface pas pour autant toute confrontation.
François Hollande, qui voudrait bien pouvoir donner une dimension nationale à ce scrutin, s’efforce de lui donner un contenu. Le 29 janvier, le Premier secrétaire du PS s’est ainsi livré in situ à un exercice comparatif de la politique du logement dans deux communes UMP et PS. Accompagné de journalistes, il s’est d’abord rendu à Neuilly-sur-Seine, sur un chantier de la Cogedim, face à l’île de la Jatte ancien lieu de résidence de Nicolas Sarkozy, qui a racheté le terrain de l’ancienne École nationale des douanes pour y édifier une résidence de luxe. Avant de rejoindre Palaiseau, où le député maire François Lamy a préempté une friche et commence à y faire construire un programme immobilier avec 30% de logements sociaux. Il y a bien «deux politiques différentes» .
Mais si ce dossier reste emblématique d’un vrai clivage, les élus de droite étant de loin les plus nombreux à bafouer la loi qui leur impose d’aller vers 20~% de logements sociaux, des «socialistes» figurent aussi au tableau du déshonneur dressé par la Fondation Abbé-Pierre. Entre 2001 et 2006, Roland Povinelli, maire d’Allauch (Bouches-du-Rhône) depuis 1975, n’a construit aucun logement social alors que sa commune n’en compte pas plus que Neuilly(3~%).
À l’examen des politiques municipales, on peut toujours distinguer une gauche plus soucieuse du social et des inégalités, et une droite plus encline à valoriser les territoires qu’elle administre dans une logique de concurrence. Mais sur la plupart des grands dossiers de compétence des municipalités, les clivages s’estompent.
Quelle que soit la couleur de la mairie, il faut construire et entretenir des écoles le financement des écoles privées sous contrat, encadré par la loi, n’est plus vraiment distinctif, assurer la distribution d’eau potable, l’assainissement, la collecte et le traitement des ordures ménagères, et contribuer à la diminution des nuisances sonores. D’une commune à l’autre, la part du budget consacrée à ces postes de dépense ne varie guère. En matière de transports, le consensus s’est fait sur la nécessité de favoriser une mobilité durable. Tramway et vélos n’ont plus de couleur politique. Et les équipements culturels pas d’avantage.
Sur le territoire communal, l’alternance prime l’alternative. Et les élections municipales s’affranchissent des configurations nationales. On ne compte plus les cas de villes gérées par un maire de gauche qui votent à droite lors des scrutins nationaux, ou l’inverse. Résultat~: la plupart des communes n’ont pas été affectées par l’instabilité politique nationale des vingt-cinq dernières années. La moitié des maires assument cette fonction depuis plus de vingt ans. Bel exemple de longévité~!
Les élus eux-mêmes contribuent à brouiller les cartes en mettant plus l’accent sur leur personnalité que leurs idées. Et en pana-chant leur liste au nom du «rassemblement» ou de «l’ouverture». «Il s’agit de choisir un maire. Ce n’est pas un choix idéologique mais sur des valeurs et un projet. Je suis le candidat d’un large rassemblement, avec des gens très à gauche mais aussi du centre droit et de droite» , déclarait récemment le maire de Lyon, Gérard Collomb, pour justifier son refus de voir des personnalités nationales entrer dans le débat local. Si ses documents de campagne ne comportent pas de références au PS, sa liste est ouverte à d’ex-UDF et à des pro-Sarkozy.
Si les sortants masquent volontiers leur étiquette partisane, préférant s’identifier à leur ville, dont ils ont modelé l’image, les aspirants-maires y ont recours essentiellement comme un moyen de compenser leur moindre notoriété. Mais il est extrêmement rare que les uns et les autres axent leur campagne sur des mots d’ordre nationaux. La lisibilité politique des affrontements n’en est que plus incertaine.
Il y a tout lieu de déplorer cette dépolitisation qui, au nom du «bon sens», n’est jamais que le masque avenant des idées libérales dominantes. D’autant que sur certains aspects les politiques municipales traduisent de vraies confrontations. Il n’est qu’à comparer les politiques conduites dans les villes ayant basculé en 2001. Gauche ou droite, ce n’est pas tout à fait la même ville.