L’horreur coloniale

Mohamed Rouabhi rejoue « Vive la France », le premier volet d’un pamphlet féroce mais joyeux.

Gilles Costaz  • 21 février 2008 abonné·es

Face au passé colonial de la France et à sa survivance dans le mépris et la mise à l’écart programmés par les élites et le pouvoir politique, Mohamed Rouabhi ne tergiverse pas, ne se range pas dans le calme d’une certaine réussite. Acteur très demandé, auteur d’une bonne vingtaine de pièces, il n’y va pas par quatre chemins avec son grand oeuvre, Vive la France, dont les trois heures et demie représentées à Saint-Denis ne sont que le premier volet d’un diptyque (voir Politis n°928). C’est du théâtre-dossier et du théâtre-pamphlet où l’on ne se cantonne pas au seul langage dramatique. Incrustations de titres et de textes, films d’actualités, films d’amateurs, extraits de fictions, bandes-son participent, comme les scènes écrites par l’auteur, à une mise en évidence impitoyable et pilonnée de faits et d’attitudes racistes.

Tout part des années 1950, quand la politique des immeubles bon marché se met en place. Les cités sont en train de naître. C’est dans cette exclusion que va grandir Rouabhi. Il ne parle pas de lui, sauf dans le texte du programme. Il suit à la trace la trajectoire d’une société d’élimination qui mène à la folie où nous sommes et dans laquelle l’extrême droite et Nicolas Sarkozy jettent leur huile haineuse sur le feu. C’est Sarko qui en prend le plus pour son grade dans ce défilé d’images et de représentations au ton féroce mais aussi joyeux. Car Rouabhi fait des sauts dans le temps, s’amuse à mettre en scène des spahis suivant les cours de l’armée française, et alterne les rengaines racistes des années 1930 et le rap violent d’aujourd’hui.

Rouabhi est un acteur parmi les autres, c’est-à-dire les quatorze artistes qui jouent, chantent, disent du slam et dansent. Vive la France est ainsi la réponse de la cité à l’histoire et aux vils discours politiciens, avec l’aide des mots de quelques grands écrivains, et la mise à nu d’implications sexuelles qui ne restent pas au vestiaire. Un événement dans l’histoire du théâtre public.

Culture
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