L’urgence du rassemblement
Des dizaines de milliers de personnes aspirent à « une gauche nouvelle », parmi la jeunesse, parmi les orphelins d’un cadre politique organisé, chez les animateurs du mouvement syndical ou associatif…
Dans son éditorial du 31 janvier, Denis Sieffert résumait parfaitement l’enjeu du moment politique : « Pour une gauche nouvelle ». Il aurait aussi pu parler de gauche digne de ce nom… L’épisode du Congrès de Versailles, puis de la ratification parlementaire à la sauvette du traité libéral de Lisbonne, sera d’ailleurs venu souligner le trait. On le sait, sans l’appoint des dirigeants socialistes, le vote populaire de mai 2005 n’aurait pu être aussi cyniquement piétiné…
Emportée par la déliquescence de la gauche, elle-même provoquée par la mutation blairiste du Parti socialiste, toujours plus patente depuis la campagne de Ségolène Royal, l’opposition politique s’est tout simplement volatilisée. Du pain bénit pour une droite qui s’est promis de faire souffler sur le pays le grand vent d’une révolution néoconservatrice. Bien qu’affaiblie par la perte de crédit de Nicolas Sarkozy dans les catégories qui s’étaient laissées abuser par ses promesses électorales, quoique à la veille d’une probable sanction aux élections municipales, elle n’en affiche pas moins sa détermination à faire passer, dans l’année, les principales contre-réformes dessinant le modèle de société qu’appelle un capitalisme plus prédateur que jamais. Ce à quoi l’exhorte Jacques Attali, figure de proue de ces ralliés qui poussent jusqu’au bout leur dérive sociale-libérale, sous les ovations des commissaires bruxellois.
Christian Picquet, du courant Unir de la LCR. DE SAKUTIN/AFP
C’est bien à une reconstruction qu’il importe de s’atteler. La reconstruction d’une gauche de gauche, à même de s’opposer sur le fond à la logique mise en oeuvre par le pouvoir, et suffisamment crédible pour réveiller un espoir chez celles et ceux dont l’existence devient toujours plus précaire. Afin que, contrairement à ce qui s’est passé cet automne, les mobilisations sociales ne se retrouvent plus dépourvues de correspondant sur le champ politique, qu’elles puissent au contraire s’adosser à des éléments de réponses alternatives aux dévastations du libéralisme.</>
L’urgence est là, incontournable pour quiconque n’a pas renoncé à défendre la perspective d’un socialisme démocratique, à même d’émanciper la société de l’exploitation et de l’oppression.
Pour ne pas perpétuer le marasme actuel, il est évidemment impératif de ne pas céder aux sirènes de la rue de Solferino, en consentant à un regroupement sous son égide. La conséquence en serait non seulement d’aggraver l’hégémonie d’une orientation de moins en moins sociale et de plus en plus libérale, mais d’avaliser l’alliance au centre, dont les municipales démontrent qu’elle constitue le nouveau tropisme stratégique de l’état-major du PS.
Mais parlons sans détours. L’affirmation d’une alternative crédible suppose également d’en finir avec les tendances au repli à gauche du Parti socialiste et du social-libéralisme. Après avoir interdit au « non » antilibéral du 29 Mai de disposer, à la dernière présidentielle, d’un prolongement à la hauteur des attentes suscitées, les logiques délétères de concurrence condamnent immanquablement à l’impuissance. Et il ne faut pas davantage céder à la tentation d’afficher une grande ambition sans se donner pratiquement les moyens de répondre à une crise véritablement historique à gauche. Ainsi, lorsque Olivier Besancenot propose, à juste titre, la formation d’un grand parti anticapitaliste, il paraît évident que l’objectif ne pourra être atteint avec une méthode si restrictive qu’elle risque d’aboutir seulement à une nouvelle organisation d’extrême gauche, un peu plus large que l’actuelle LCR.
Rien ne nous condamne à subir de nouveaux reculs. Rien ne nous oblige à vivre les affres d’une désintégration à l’italienne, synonyme de défaites majeures pour le monde du travail. Des dizaines de milliers d’hommes et de femmes aspirent effectivement à « une gauche nouvelle ». On les retrouve dans une jeunesse riche d’expériences de luttes récentes, parmi ces innombrables orphelins d’un cadre politique organisé, ou chez ces animateurs du mouvement syndical ou associatif qui ont acquis la conviction que l’on ne pourra résister efficacement sans qu’émerge un début d’alternative. Ils existent tout autant du côté des gauches socialistes, au Parti communiste et chez ses militants qui se posent présentement la question du dépassement, parmi les écologistes qui n’entendent pas tourner le dos au combat social, dans les collectifs antilibéraux…
Sous des formes nouvelles, tenant compte des échecs du passé, toutes ces réalités militantes doivent savoir de nouveau converger, à tous les niveaux. Comme elles viennent de le faire dans la bataille sur le traité de Lisbonne. Pour commencer à faire vivre, au quotidien, une vraie gauche de combat, devenir force politique « en pointillé » grâce à leur unité retrouvée, initier un processus large et pluraliste pouvant conduire à une nouvelle formation de la gauche radicale. La première étape pourrait être une grande initiative nationale permettant de confronter tous les points de vue et d’élaborer les premiers éléments d’une réponse cohérente au sarkozysme autant qu’aux renoncements sociaux-libéraux. Le temps est compté !
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