«~Nous devons faire cause commune~»
dans l’hebdo N° 990 Acheter ce numéro
«~Je travaille quotidiennement avec le maire de Montfermeil, Xavier Lemoine, alors que nous avons de fortes divergences idéologiques~» , confie Claude Dilain, maire PS de Clichy-sous-Bois. Pas de doute, les interventions publiques du maire UMP de Montfermeil, notamment à l’égard des «~bandes de jeunes~» , sont à classer du côté d’une droite dure.
Peu importe, car les destins de ces deux maires sont plus que jamais liés à la communauté d’agglomération de Clichy-Montfermeil, où les difficultés sociales s’accumulent. «~Dans des villes où 70~% à 80~% des habitants vivent en zone urbaine sensible, c’est plus la personnalité du maire que sa couleur politique qui fait son élection~» , raconte Claude Dilain, bien conscient que ses marges de manoeuvre restent très faibles.
Résultat, un consensus pragmatique finit par s’imposer à ces élus ~ : «~Dans la pratique, lorsque nous croisons nos points de vue sur les dossiers, les différences entre la droite et la gauche sont bien minces~» , reconnaît le maire socialiste. Ainsi, depuis quelques mois, avec d’autres élus de différentes sensibilités, comme Pierre Cardo (UMP), maire de Chanteloup-les-Vignes
[^2], ou François Pupponi (PS), maire de Sarcelles, il a rejoint l’association Ville et banlieue. Àtravers elle, ces maires de banlieue populaire tentent de faire valoir leur intérêt à l’égard de l’administration et des autres élus.
Lors de l’élection présidentielle, ils avaient même lancé un manifeste… qui ne reçut aucun écho. Car ces maires sont isolés et marginalisés au sein des institutions, et même à l’intérieur de leur propre parti. Comme en témoigne le maire de Vaulx-en-Velin, Maurice Charrier (divers gauche) ~ : «~Quand nous avons tenté de convaincre les députés et les sénateurs de réformer la dotation de solidarité urbaine, nous avons été surpris par les réactions de certains. Ils étaient sur une autre planète. Il y a une énorme fracture culturelle entre eux et nous, et ce « nous » engloble des élus qui étaient proches de nos familles politiques respectives.~» Pour le journaliste Hacène Belmessous, ces maires sont des «~exclus de l’intérieur~»
[^3].
En attendant, à Clichy-sous-Bois, Claude Dilain précise les points communs qu’il a avec Xavier Lemoine ~ : «~Il y a des dossiers où nous sommes spontanément en accord, comme le tramway, le commissariat ou le développement économique.~» Sur d’autres, «~je dois arriver à des compromis, et c’est difficile, explique le maire socialiste, comme sur les centres sociaux, car lui considère que ce n’est pas de sa compétence~» . La culture est le seul terrain où les compromis restent impossibles : «~On n’essaye même pas de se convaincre, on n’en parle pas.~» Car, pour les deux hommes, les difficultés sociales auxquelles ils sont confrontés n’ont pas les mêmes causes. Malgré cela, la conclusion de Claude Dilain est sans appel ~ : «~Pour que la République répare ce qu’elle a elle-même créé, nous devons faire cause commune.~»
[^2]: À lire ~ : Deux Maires courage. Dialogue sur la crise des banlieues, Pierre Cardo, Claude Dilain, Éditions Autrement, 2008.
[^3]: Maires de banlieue, la politique à l’épreuve du réel, Hacène Belmessous, éditions du Sextant, octobre 2007.