Un parti convoité

Le MoDem suscite ralliements et appels du pied. Sans autre ligne véritable que de s’allier au plus offrant.

Michel Soudais  • 7 février 2008 abonné·es

La percée de François Bayrou à l’élection présidentielle (18,57 %) n’est plus qu’un souvenir. Après le ralliement de la quasi-totalité de ses parlementaires au sarkozysme triomphant, le parti du Béarnais n’avait obtenu qu’un score moyen aux législatives (7,69 %) et ne compte plus que deux députés. N’empêche, le MoDem, officiellement créé cet automne, compte sur les municipales pour s’implanter dans le paysage et renouveler la politique. Une ambition contredite par ses débuts dans cette bataille.

Le parti centriste, qui lance sa campagne lors d’une convention municipale le 10 février, à Paris, a opté pour une stratégie d’autonomie fondée, explique François Bayrou, sur la conviction que les municipales ne sont « pas une élection politique, mais une élection de majorités locales » . Éric Azière, chargé des élections au MoDem, revendique « des listes autonomes dans pratiquement 70 % des villes de plus de 30 000 habitants » . Une situation inédite du temps de l’UDF, mais qui souffre pourtant des exceptions de nature à brouiller cette image d’indépendance.

Dans plusieurs villes, le MoDem a en effet choisi son camp, soit parce qu’il manque de moyens humains, étant en plein renouvellement avec la défection de nombreux élus UDF, soit parce qu’il a pu trouver « des accords fondés sur la personnalité et le projet d’un candidat » , avec lequel peuvent se former des « majorités d’idées » , explique François Bayrou. Et ce camp varie en fonction des situations locales. C’est ainsi qu’à Bordeaux et à Périgueux, le MoDem participe aux listes de l’ex-président de l’UMP, Alain Juppé, et du ministre de l’Éducation, Xavier Darcos, tandis qu’à Dijon, il est sur celle du maire socialiste sortant, François Rebsamen, par ailleurs numéro deux du PS. Des accords ont également été conclus à Roubaix et à Grenoble avec les maires sortants PS René Vandierendonck et Michel Destot. Un autre pourrait l’être avec la maire PS de Montpellier, Hélène Mandroux.

Ces choix contradictoires accréditent davantage l’image d’un parti prêt à se vendre au plus offrant. Car le MoDem négocie effectivement, ici et là, parfois avec les deux camps en même temps, son positionnement au premier tour ou, déjà, ses choix de second tour. Jusqu’à irriter ses possibles partenaires. En Seine-Saint-Denis, l’UMP l’accuse de « duplicité dangereuse » pour avoir « refusé de signer tout accord, même de fusion pour le deuxième tour », malgré « quatre mois de négociations, cinq réunions, deux propositions de déclaration commune » .

À Lyon, Dominique Perben s’est ému publiquement de cette « espèce de mise aux enchères d’un soutien » et a claqué la porte. Deux jours plus tard, la tête de liste du MoDem, Christophe Geourjon, rejoignait sa liste avec trois colistiers.

Ce n’est pas le seul accroc à la ligne officielle dans un parti où l’indiscipline règne à tous les étages. À Caen, Frédéric Chazal, porte-parole local, et Franck Lelièvre, responsable de la commission électorale locale, ont été suspendus parce qu’ils se sont ralliés à la liste de la maire UMP sortante, Brigitte Le Breton, alors que le MoDem a décidé de constituer une liste autonome. À Tours, la responsable locale, Colette Girard, avait annoncé son soutien au maire PS sortant, Jean Germain, sans concertation avec les instances du parti. À Marseille, où l’ex-Vert Jean-Luc Bennahmias mènera les listes du MoDem, Jacques Rocca-Serra a rejoint la liste du maire UMP sortant, Jean-Claude Gaudin, tandis que Miloud Boualem, qui avait été investi dans le premier secteur, apporte maintenant son soutien à Jean-Noël Guérini (PS).

D’autres se mettent préalablement en congé de leur parti avant de faire un choix contraire à ses décisions. C’est le cas de Bernadette Caillard-Humeau, qui soutient à Angers le maire sortant PS, Jean-Claude Antonini, alors que le MoDem a choisi le candidat de l’UMP, Christophe Béchu.

Sanctionnées ou pas, ces indisciplines uniquement motivées par une course aux honneurs et aux fonctions n’arrangent pas l’image du parti centriste, qui, loin de renouveler la politique, en reprend les pires travers.

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