Boycott or not ?
dans l’hebdo N° 995 Acheter ce numéro
Selon une tradition quasi indifférente à la conjoncture politique, la flamme olympique a donc été rallumée lundi à Olympie, entamant le long périple qui doit la conduire au mois d’août à Pékin. Et qu’importe la répression du régime chinois contre les Tibétains! Selon le gouvernement tibétain en exil à Dharamsala (Inde), ce sont pourtant 130personnes qui ont été tuées au cours des dernières semaines. Lundi, le président du Comité international olympique (CIO), Jacques Rogge, a estimé qu’il ne voyait pas se dessiner «d’élan» sur la scène internationale pour un boycott. Formule qui masque mal son peu d’appétence personnelle pour toute forme d’action. Il est vrai que les JO sont, derrière la vitrine sportive, un formidable vecteur de commerce international. Et c’est bien pour cela que la Chine a été choisie. Quant au mouvement sportif, il s’abrite toujours derrière une supposée neutralité qui le rend sourd et aveugle à la réalité du monde.
L’initiative d’une manifestation quelconque ne viendra donc pas du CIO. Si quelque chose doit être décidé, ce sera à partir des capitales occidentales. Les arrière-pensées n’y sont pas absentes non plus. Le dernier exemple de boycott était venu de Washington contre les Jeux de Moscou, en 1980. Il s’agissait, officiellement, de protester contre l’invasion soviétique en Afghanistan. La guerre des Blocs faisait encore rage. Et la leçon de morale américaine dissimulait une alliance militaire avec les talibans contre l’Union soviétique. Derrière la fable des «droits de l’Homme», la CIA flirtait avec Ben Laden. La question du boycott est donc parfois plus complexe qu’il n’y paraît. Sans compter qu’un geste symbolique sans lendemain pourrait ensuite livrer les Tibétains à une aggravation de la répression. D’où la nécessité d’une réflexion plus profonde alliant l’économique au symbolique, et fixant de surcroît des objectifs non seulement contre la répression, mais pour un statut international du Tibet. Autrement dit, oui au boycott, mais il serait insupportable que l’on s’émeuve quelques jours pour le Tibet pour l’abandonner de nouveau, ensuite.