Courrier des lecteurs Politis 994
dans l’hebdo N° 994 Acheter ce numéro
Le chômage des députés
Pour chaque député non réélu, les Français devront payer 417 120 euros, soit 6 952 euros pendant soixante mois. C’est la nouvelle indemnité chômage des députés ! Cette info était commentée le 6 mars sur RMC par Jean-Jacques Bourdin, qui souligne que les élus, de la gauche à la droite, sont tous d’accord ! Et la plupart des médias n’en parlent pas ! À l’issue des cinq ans d’indemnités, les députés non réélus percevront « à vie » 20 % de ce traitement, soit 1 390 euros par mois. Alors, faites des efforts, travaillez pour payer des impôts qui serviront à payer les « goldens parachutes » de nos députés. Mais pourquoi cinq ans ? C’est précisément le temps d’une alternance législative. Ce vote intervient au moment où les candidats nous parlent des efforts que devront consentir les Français pour réduire la dette et dénoncent le train de vie dispendieux de l’État ! L’information sur la nouvelle indemnité « chômage » des députés a été révélée par le Canard enchaîné le 7 février 2007. Puis reprise et précisée par le Midi libre , le 1er mars 2007. Curieusement, ce sont les seuls médias à en avoir parlé. Silence total du côté des télés, radios ou des autres journaux, habituellement pressés de dénoncer les parachutes en or de certains grands patrons (certes avec raison…). Pourquoi se taisent-ils sur cette affaire ? Sans doute parce que cette loi a été votée en douce par tous les groupes politiques, UMP, PS, UDF et PCF, qui savent parfaitement s’entendre lorsqu’il s’agit de s’octroyer des avantages sur le dos des Français. […] Avant de quitter la présidence de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, nouveau président du Conseil constitutionnel, a fait un joli cadeau à ses amis députés de tous les partis ! Bien entendu, cette généreuse « indemnité chômage » est inconditionnelle, et l’heureux bénéficiaire de cette jolie rémunération de cinq ans n’est tenu à aucun engagement quelconque, comme par exemple justifier de la recherche d’un nouvel emploi, d’une visite mensuelle auprès d’un conseiller ANPE ou d’une activité justifiant cette « aide sociale »… Bref, tout ce qui est demandé à des chômeurs ordinaires.
Voilà de quoi crève la République, de la corruption de ses élites, car évidemment aucun parti n’a protesté, vu que tous bénéficieront des largesses de M. Debré. […]
Dominique Blondeau
Bush et la torture
Georges Bush vient à nouveau de justifier la torture au nom de la lutte contre le terrorisme. En qualifiant d’ « outil précieux dans la guerre contre le terrorisme » la technique dite « de la baignoire » (noyade simulée), le président américain trahit une fois de plus les idéaux de la démocratie qu’il prétend défendre.
Autoriser ou encourager des violations délibérées des Droits de l’homme, même contre des terroristes présumés, n’a aucune chance de renforcer la sécurité de qui que ce soit et ne fait qu’affaiblir ceux qui s’en rendent coupables.
Une démocratie est d’autant moins vulnérable qu’elle applique avec rigueur et vigilance ses propres principes. Aux États-Unis comme en France, ou ailleurs. N’est-il pas de notre responsabilité à tous d’y veiller ?
M.-C. Arnaud, Asnières (Hauts-de-Seine)
Abstention et vote blanc
Rythmée par l’heure du repas, les giboulées de mars et l’horaire des messes, la file irrégulière avance vers le cénacle communal. Parvenus dans l’enceinte municipale, hommes et femmes s’approvisionnent méticuleusement sur l’étal de la démocratie en bulletins divers, pour faire comme tout le monde, alors que beaucoup ont déjà le « bon » bout de papier dans la poche. Puis ils vont cacher leur choix dans le confessionnal laïque comme pour demander pardon à Marianne d’un possible manque de discernement. D’un pas indécis, ils se dirigent, à la queue leu leu, vers le tabernacle des suffrages. « Papiers, s’il vous plaît » , demande sérieusement le scrutateur en chef endimanché. Fébriles, certains parviennent difficilement à faire émerger de leur profusion de cartes celle permettant l’accès au sésame républicain. D’un ton solennel, l’officiant scande le traditionnel « a voté », un rituel qui sonne aux oreilles comme un « Ite missa est » de fin d’office.
Devoir accompli, allégés de leur petit poids démocratique, ils échangent quelques mots timides et chuchotés avec des voisins en veillant à ne pas troubler le silence de la pléiade citoyenne. Ce n’est qu’à la sortie de l’espace cultuel qu’ils se sentent soulagés et heureux d’avoir abdiqué leur part de souveraineté au profit de candidats supposés vertueux. Tant pis s’ils n’ont pas lu les professions de foi « touche-à-tout » ! Mais est-ce bien nécessaire de s’imprégner de ces écrits où on promet tout et son contraire, quand on sait que les promesses n’engagent que ceux qui y croient ?
Ainsi fonctionne une démocratie représentative, altérée par des pratiques déformantes. Par exemple, on annonce la brillante et inespérée victoire de M. X, élu avec 55 % des voix ; mais on omet de dire que le « parti fictif des abstentionnistes » atteint 40 % des inscrits, que les bulletins nuls ou blancs franchissent le seuil des 3 % des votants. Donc, arithmétiquement, M. X est élu, au mieux, par un citoyen sur trois. Certes, les abstentionnistes constituent un groupe hétérogène avec les citoyens qui ne peuvent pas se déplacer ou donner procuration, les irréductibles partisans du récurrent « élections, piège à c… », mais, surtout, les citoyens « ordinaires » déçus par la politique et le comportement de ces élus qui « font carrière ». Par ailleurs, la non-comptabilisation des bulletins blancs et nuls dans les suffrages exprimés est une anomalie. En fait, beaucoup d’abstentionnistes expriment leur choix par un « non-vote » volontaire et réfléchi, tandis que les bulletins nuls signifient un impossible choix.
Abstentions et votes blancs sont peu médiatisés car ils participent à l’affaiblissement d’un système déjà malade. Il ne faut pas oublier que celui-ci, d’une part, fait vivre toute une escouade de politiciens, dont certains gros professionnels cumulant les sanhédrins, et, d’autre part, qu’il alimente les médias par ses débats, ses décisions et ses turpitudes.
Une rupture (encore !) s’impose dans ce domaine car si rien ne change rapidement, les temples de la République seront, demain, aussi silencieux que les églises sans fidèles.
Allez en paix, braves citoyens ! À partir de demain, les oligarques de la République décideront pour vous six années durant.
Jean Barrié, Onet-le-Château (Aveyron)
Nous, les pauv’cons
Mes dépenses quotidiennes ne sont pas prises en charge par cette bonne fille qu’est notre République ; je ne m’offre pas de luxueuses vacances à bord de yachts, jets privés, etc., généreusement mis à ma disposition par des amis milliardaires ; mes revenus mensuels ne se comptaient pas, à la fin de l’année dernière, en milliers d’euros comme s’il en pleuvait, et ils n’ont pas, en ce début d’année 2008, été multipliés par 3 sous l’effet de l’exigence d’une hausse, immédiatement accordée, de 206 %.
Constatant comme tout un chacun une envolée des prix dont je me serais volontiers passé, c’est avec une ridicule augmentation de 1,1 % que je dois courir derrière. Il résulte de tout cela que si je m’étais trouvé au salon de l’agriculture en face du gros malin bénéficiaire des incroyables privilèges évoqués plus haut, je n’aurais eu aucune envie, moi non plus, de lui serrer la main.
Bref, je suis un pauv’con.
Et je ne suis pas le seul. Participant il y a peu à l’une des nombreuses manifestations pour le pouvoir d’achat des gens de ma catégorie, je me disais qu’il serait judicieux qu’à l’avenir nous défilions derrière une banderole annonçant clairement la couleur : « Nous sommes tous des pauv’cons. »
Tous, c’est sans doute un peu trop dire. Mais la famille Pauv’con est en tout cas infiniment plus nombreuse que celle de l’individu que Charlie-Hebdo , à la une de son avant-dernier numéro, surnommait « Rich’con ». […]
Michel Ameline, dit Hubert Lulu (Seine-Maritime )
L’UMP aux municipales
Je réclame l’exclusion immédiate de ce membre de l’UMP qui a déclaré que les élections qui viennent de se tenir ont été une défaite pour son parti. Non seulement parce que tous les ténors de celui-ci ont déclaré le contraire avec une réjouissante unanimité, mais parce qu’il n’a rien compris au film, cet imbécile. Il ne sait même pas que l’UMP n’y a pas pris part ! Où a-t-il vu une liste de candidats portant ce sigle ? Nulle part, n’est-ce pas ? Alors ? Les intérêts locaux, ça oui, il faut les défendre (face à qui, on se demande un peu, mais enfin…) : la modernité, le progrès, la réforme… Tous ces beaux idéaux qui ne mangent pas de pain ont été affichés malgré la pudeur notoire des intéressés, qui ont réussi à se faire violence sur ce point. Mais UMP, moi ? Jamais ! Et le président de la République lui-même a donné l’exemple. Il n’y avait que 22 ministres candidats, ces élections ne le concernent donc nullement. La preuve : il a passé la soirée cloîtré avec ses collaborateurs pour… jouer au bridge, sûrement. Le local, le vulgaire et le subalterne, vous comprenez bien qu’il ne va pas s’abaisser à ce niveau. Le (futur) président de l’Europe ne va pas se soucier des élus de Clochemerle. Cette hauteur de vues est réjouissante et le signe d’une attitude véritablement politique, laquelle consiste, on le sait, à nier la réalité. Et à proférer des énormités : j’ai ainsi entendu un UMP (oh pardon) parler de la « TVA municipale » que la gauche allait introduire dans les villes qu’elle remportait. Vous voyez que la bêtise (il y a aussi un autre terme) humaine est la seule chose qui donne une idée de l’infini.
Philippe Bouquet, Le Mans(Sarthe)
Vive les femmes!
Il faut vivement féliciter Olivier Doubre ( Politis n° 992) d’avoir rappelé que la journée internationale des femmes était de célébration « très ancienne » , et qu’elle avait été reconnue par l’ONU en 1977.
Faut-il aussi le féliciter pour avoir occulté le fait que cette journée de célébration très ancienne avait été fondée par Lénine le 8 mars 1920 ?
Dans le déferlement anticommuniste d’aujourd’hui, devenu méthodique, étudié, organisé, doit-on oublier que c’est dans la libre entreprise que les femmes sont le plus harcelées, humiliées, exploitées et qu’elles y garnissent les rangs d’un sous-prolétariat désespéré ?
C’est sans doute à elles que cette journée du 8 mars doit être dédiée, mais aussi peut-être, presque clandestinement, à l’ombre furtive de Lénine.
Georges Apap, Béziers (Hérault)
Shimon Peres en France
Les médias français m’ont enjoint de saluer la visite officielle du vieux président d’Israël, prix Nobel de la Paix, et sa réception par le jeune président de notre pays, ce dernier l’appelant bien « courageusement » à la création d’un État palestinien avant la fin de l’année… Peres n’est que colauréat de ce Nobel, son alter ego étant Yasser Arafat, pour un vieil accord historique destiné à créer cet État palestinien et la paix. On sait ce qu’il est advenu, notamment la mort politique, avant la mort physique, de Yasser Arafat, cependant que le vieux renard « socialiste » sioniste a fini par se recycler président de cet Israël qui ne cesse d’empirer répressions à Gaza et colonies illégales en Cisjordanie , en repoussant la création d’un État palestinien. […] Le tapage médiatique autour de cette visite fut atterrant. Il y a, bien sûr, de très bons écrivains israéliens tel Amos Oz , et leur place était tout à fait au Salon du livre, en tout honneur. Mais, que je sache, ces écrivains […] ne sont pas des politiciens, des agents de l’État terroriste qui martyrise les Palestiniens.
Dans ce contexte, j’approuve les tentatives de « boycott » de ce salon par des écrivains ou des nations arabes, que les médias accusent de « mélanger littérature et politique » , alors que l’exemple de ce mélange est donné par le vieux père et son jeune copain l’invitant.
Enfin, et surtout, une note d’espoir : toute littérature est politique, « civilisationnelle ». […] Un rare poème est parfois beaucoup plus important, historiquement, qu’une des nombreuses résolutions de l’ONU inappliquées par Israël.
Rémi Begouen, Saint-Nazaire (Loire-Atlantique)