Dans l’ensemble…
À travers la cité Karl-Marx à Bobigny, Marie-Pierre Jaury retrace un pan de l’histoire de l’immigration.
dans l’hebdo N° 995 Acheter ce numéro
À trois kilomètres au nord de Paris. Dans les années 1950, Bobigny est une petite ville maraîchère de la banlieue rouge. Dix ans plus tard, elle a doublé son nombre d’habitants. La municipalité entame alors la construction d’un vaste ensemble de logements sociaux. La cité Karl-Marx naît ainsi, au milieu d’autres barres de béton, en 1970. Un couple d’origine bretonne se souvient de son arrivée dans son appartement flambant neuf : « C’était beau ! Immense, comme le Champ-de-Mars ! » L’époque est à la construction. Mais les populations issues de l’immigration sont encore rares dans ces logements. Moins de 1 %. On les considère incapables de s’adapter. Elles viennent alors gonfler les bidonvilles (à Nanterre et à La Courneuve, notamment), s’entassent dans des baraquements de briques et torchis, de bois et cartons. Constituant une main-d’oeuvre bon marché qui contribue précisément à la construction de grands ensembles. Dans le meilleur des cas, ces populations immigrées vivent en foyers, avec des règlements intérieurs stricts. Il faut attendre la fin des années 1970 pour les voir accéder à ces logements. Et notamment la cité Karl-Marx, filmée par Marie-Pierre Jaury.
Presque cinquantenaire, la cité connaîtra en 2009 un petit lifting. Quelques tours en moins. Deux cent vingt logements et des commerces démolis pour un peu plus d’espaces verts.
À la veille de cette transformation, la réalisatrice livre la mémoire des lieux à travers ses habitants. Des photos en noir et blanc et des images d’archives se mêlent aux prises de vue et aux témoignages. Du présent piqué de passé. À mesure des changements de générations, les conditions de vie se sont dégradées. Pour laisser place aux amalgames entre insécurité, xénophobie et immigration. De fait, en même temps qu’elle restitue une mémoire, la réalisatrice souligne les échecs.