Des thoniers à la tonne

Patrick Piro  • 20 mars 2008 abonné·es

C’est la première fois, estime le WWF, qu’un rapport [^2] détaille aussi précisément les motivations de la surpêche au thon rouge en Méditerranée, irresponsable au point que l’espèce est désormais au bord de l’effondrement. La monstrueuse flotte de thoniers détenue par les pays côtiers est pointée du doigt. Son potentiel de capture annuel est estimé à près de 55000 tonnes, soit le double des quotas autorisés par Commission internationale pour la conservation des thonidés en Atlantique (Iccat) [^3], et même plus de 3,5 fois que les 15000 tonnes préconisées par certains scientifiques pour permettre la reconstitution des populations, tant les plafonds de l’Iccat sont considérés comme laxistes.

Le rapport du WWF dénombre ainsi 617 thoniers dans 11pays, enregistrés ou non par l’Iccat, et dont la capacité ­37% de plus en dix ans­ et l’efficacité (puissance, équipements, etc.) n’ont cessé de croître. Quatre pays possèdent 80% des bateaux: la Turquie (40%), l’Italie (17%), la Croatie (14%) et la Libye (9%).

La nécessité de rentabiliser de tels investissements est à elle seule la démonstration que la plupart des pays se moquent littéralement du système de quotas de l’Iccat (dont ils sont partie prenante), dénoncent les auteurs.

Ce qu’ils ont vérifié par ailleurs: ainsi, quatre thoniers italiens suivis en 2001 avaient pêché plus de trois fois leurs tonnages alloués. Àla considérable surcapacité de ces flottes [^4], au regard des quotas nationaux, correspond donc une sous-déclaration routinière des prises. En Turquie, et sauf à supposer que les bateaux ne sont pas exclusivement destinés à la pêche au thon, le seuil de rentabilité de l’activité exigerait théoriquement que les prises soient… 17 fois supérieures au quota Iccat du pays. Le WWF entend verser ce document aux prochains débats: la révision en novembre prochain du plan de gestion des thonidés de l’Iccat, l’obligation pour les pays de l’UE d’ajuster le tonnage des flottes à leurs quotas ou bien le financement du désarmement de certains thoniers.

On mesure l’impossibilité de la tâche, conséquence de plus d’une décennie de laisser-faire: s’il fallait respecter les préconisations des experts, il faudrait réduire de 78% la capacité des thoniers méditerranéens de moyen et gros tonnages.

[^2]: Race for the Last Bluefin, .)

[^3]: Qui gère une convention de protection couvrant l’Atlantique-Est et la Méditerranée.

[^4]: Qui, de plus, ne couvrent que 60% des prises, le reste étant le fait de bateaux non spécialisés.

Écologie
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