Le Dakar dans les Andes
dans l’hebdo N° 995 Acheter ce numéro
Chassé d’Afrique et du Sahara pour cause de « menaces » terroristes et surtout de lassitude des sponsors, le « Paris-Dakar » a décidé d’aller ravager les pistes d’Argentine et du Chili dès les premiers jours de 2009 [^2]. Et ce, en prétendant avoir été « invité » par le gouvernement argentin, alors que Patrice Clerc, le président d’Amaury Sport Organisation
[^3], s’est tout simplement imposé dans les deux pays. Au point que les deux présidentes en exercice, Michelle Bachelet et Cristina Kirchner, ont appris l’arrivée de la caravane infernale par la presse. Tout comme les Indiens du nord des deux pays, bien décidés à mettre des bâtons dans les roues de ce rodéo automobile. Les intellectuels et les écologistes argentins n’apprécient pas non plus ce projet, et promettent des surprises si la course est maintenue.
Dans ces régions fragiles, où les pistes en mauvais état, notamment la fameuse Ruta 40, sont les seuls axes que peuvent emprunter les habitants et les agriculteurs qui travaillent entre 2 500 et 3 500 mètres d’altitude, le rallye est attendu par des associations et des militants plus organisés que dans les pays africains. Les responsables du Dakar en Amérique latine n’ont pas réalisé qu’ils tentaient de débarquer dans des démocraties où la contestation a droit de cité.
Le trajet prévu envisage de parcourir le fragile désert d’Atacama et d’investir la petite ville de San Pedro d’Atacama, déjà ravagée par le tourisme en 4×4. L’une des « spéciales » doit parcourir le Salar d’Atacama (gigantesque lac de sel) et la vallée de la Lune, deux zones protégées, la seconde étant contrôlée depuis quelques années par les Indiens. Au programme également, le Paso de San Francisco, un col à 4 738 mètres d’altitude entre le Chili et l’Argentine, et une incursion dans les réserves de Laguna Brava et de la biosphère de San Guillermo.
Il est encore temps, par une action nationale et internationale, de faire annuler ce rallye insensé de 9 000 kilomètres dans un paysage et une région fragiles et des territoires superbes. Il n’est pas trop tard pour faire annuler, cette course célébrant les émissions de gaz à effet de serre : des centaines de véhicules vont être transportés d’Europe à Buenos Aires par bateau. Les équipes, elles, partiront là-bas en avion.
[^2]: Du 3 au 18 janvier.
[^3]: La pompe à fric qui met en scène son prétendu bras de fer avec l’Union internationale du cyclisme pour un Paris-Nice en vélo, et pour laquelle le «sport» n’est qu’un prétexte à se disputer des bénéfices aux dépens des spectateurs.