Courrier des lecteurs Politis 1000
dans l’hebdo N° 1000 Acheter ce numéro
Rassembler à gauche
Dans l’article « Les collectifs davantage unitaires », paru dans le n° 997 de Politis, Jean-Baptiste Quiot affirme que « les motions […] montrent bien une volonté de rassemblement : c’est une nécessité de créer un rassemblement de toutes les forces du “non” de gauche du 29 mai ».
François Simon, dans une tribune du même numéro, observe que « toutes les ébauches de reconstruction […] n’ont cessé de nous fractionner depuis le “non” au TCE ». Pour l’un, le « non » au TCE est un axe de rassemblement, pour l’autre le même phénomène est […] le moment fondateur. Les deux sont, me semble-t-il, en phase. Or, le « non » au TCE, à mes yeux, ne peut être ni un moment fondateur d’une unité à gauche ni un axe de rassemblement. J’ai évidemment voté « oui » au TCE. « Cette autre gauche , dit François Simon, pose deux constats, le premier est la finitude de la planète […]. ». Devant ce premier constat, qui me semble être celui qui devrait orienter les axes stratégiques de long terme […], quelles autres possibilités que s’inscrire dans des dynamiques internationales ? Comment ne pas voir le poids des causalités historiques sur les dynamiques internationales et l’inertie qui en découle forcément ? Et donc les compromis inévitables… Devant la construction européenne, la vraie question est : s’agit-il d’une dynamique internationale positive, à l’échelle de l’histoire du monde, ou non ? En est-il d’autres, présentant la même envergure, à portée de mains françaises, actuellement ? Pour ma part, je répondrais que l’insertion dans la dynamique de construction européenne devrait être l’axe fondateur des stratégies internationales (qui elles-mêmes devraient structurer fondamentalement toutes les stratégies intérieures) du mouvement que j’appelle de mes vœux. Clairement, le « non au TCE » ne peut pas symboliser l’insertion dans une dynamique internationale, puisqu’il exprime le contraire (quoi qu’en pensent ou disent ses défenseurs). En faire l’axe de rassemblement ou le moment fondateur est donc, à mes yeux (sont-ce les seuls de gauche qui se froncent si fortement sur ce sujet ?), un affichage clair qu’il ne s’agit pas du rassemblement à gauche pour une alternative au libéralisme, mais du rassemblement à gauche des gens de gauche qui ont voté « non » au TCE (donc aveugles au monde ?) Je suis bien conscient que ces quelques phrases sont trop lapidaires et bien trop réductrices pour ne pas énerver les militants impliqués dans les collectifs cités plus haut, je les prie donc de m’excuser. Mon objectif n’est évidemment pas celui d’énerver l’éventuel lecteur mais d’apporter un témoignage de compagnonnage (j’ai beau ne pas avoir voté « non » au TCE, je suis un lecteur de Politis assidu, en phase avec beaucoup des points défendus par ce journal et ses lecteurs) et d’inviter au questionnement : « N’oubliez-vous pas l’essentiel ? »
C. Senat (Haute-Garonne)
Agriculture nourricière
Les conflits d’usage des surfaces agricoles apparaissent de plus en plus entre production alimentaire et production de carburant, d’une part, et entre agriculture destinée à l’alimentation directe des humains […] et agriculture destinée aux animaux d’élevage […], d’autre part. Je ne développe pas la problématique des agrocarburants, que chacun connaît désormais.
Quant à l’élevage, sachant que l’obtention d’une calorie animale nécessite en moyenne la récolte de 7 calories végétales pour nourrir l’intermédiaire qu’est l’animal, on comprend le gaspillage qu’occasionne une alimentation constituée de produits animaux par rapport à une alimentation à base de produits végétaux.
Hubert Reeves, dans ses Chroniques du ciel et de la vie, rappelait que « si toute la population humaine mangeait la même proportion de viande que les habitants des pays riches, [on] ne pourrait nourrir que le tiers des habitants de la planète. Si, au contraire, toute l’énergie captée par les plantes était absorbée directement (céréales, légumineuses, légumes, fruits), on pourrait nourrir trois fois plus de monde qu’actuellement ». Sans qu’en souffre notre équilibre alimentaire.
L’Association néerlandaise pour le véganisme [végétalisme qui exclut l’utilisation de tous les produits animaux, ndlr] indique que pour produire la même quantité d’énergie alimentaire, le menu non végétarien a consommé 33 900 kilocalories (kcal) d’énergie fossile pour sa production, quand le menu végétarien a nécessité 18 900 kcal et le menu végétalien 9 900 kcal. Et, selon l’association Action consommation (bulletin du 9 janvier 2006), la production d’un kg de protéine animale dégage 50 à 100 fois plus de gaz à effet de serre (GES) que celle d’un kg de protéine végétale.
À travers le monde, la production d’agrocarburants et d’aliments issus d’animaux entraînent en particulier déforestation et monocultures polluantes (souvent génétiquement modifiées). […]
L’accroissement de la population mondiale, la hausse de la consommation de produits animaux et le développement de la production d’agrocarburants – sources d’accroissement des rejets de GES – auront de très graves effets sur les équilibres planétaires : écologiques, climatiques et sociaux. Avec pour conséquence une réduction des quantités de végétaux récoltés. Les tensions actuelles sur les prix des denrées alimentaires n’en sont que les prémices.
Bien sûr, d’autres éléments ont aussi leur part de responsabilité (monocultures d’exportation aux dépens des cultures vivrières, subventions des pays du Nord à leur propre agriculture, spéculation sur les matières premières, y compris alimentaires, etc.) […].
Il est donc des choix que nous devons faire […] : manger moins de produits animaux et moins se déplacer en voiture et en avion. Il en va du respect des humains d’ailleurs et des humains de demain. […]
Christophe Gibiat, Brive (Corrèze)