Echos de la semaine
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Sarko au paradis
Au lendemain de son intervention télévisée, Nicolas Sarkozy était accueilli en grande pompe à Monaco par le prince Albert II, dans un paradis fiscal qui est, avec le Liechtenstein et Andorre, un territoire jugé non coopératif en matière fiscale par l’OCDE. La plate-forme « Paradis fiscaux et judiciaires » a demandé au chef de l’État de cesser de « cautionner à sa porte un centre offshore favorable au blanchiment ». Et souligne que l’évasion fiscale coûte aux pays du Sud 250 à 350 milliards d’euros par an, soit 10 000 fois l’augmentation de l’aide alimentaire française que vient d’annoncer Nicolas Sarkozy. Mais sans doute ce dernier est-il trop occupé par la chasse aux chômeurs fraudeurs.
Cliquez sur « Indigènes »
« J’en ai marre de recevoir vos mails de merde. Indigènes à deux sous. Vous avez été élevés au cacao et yaourt. » Ces quelques mots, nimbés d’élégance, donnent une idée du genre de messages reçus la semaine dernière sur le site des Indigènes de la République. En deux jours, des dizaines d’internautes ont ainsi manifesté leur volonté de se « désabonner » de la liste des Indigènes. L’étonnant dans cette affaire, c’est qu’un simple clic aurait pu suffire pour ne plus recevoir les courriels du mouvement anticolonial. Or, ces destinataires soudainement « mécontents » ont préféré le faire savoir bruyamment. À la veille de la « Marche décoloniale » du 8 mai (M° Barbès à 14 h), organisée par les Indigènes, cela ressemble fort à une opération de sabotage.
Les socialistes et la Palestine
Deux semaines avant la journée pour la Palestine (porte de Versailles, le 17 mai) « La paix par le droit », l’Association France-Palestine solidarité a sollicité le soutien des députés socialistes membres de la commission des Affaires étrangères. Plusieurs d’entre eux ont répondu favorablement, dont Jean-Louis Bianco (photo), Jean-Michel Boucheron, Marc Dolez et Jean Glavany. Quelques-uns ont regretté le suivisme français et européen dans le refus de dialoguer avec le Hamas. Une position qui tranche courageusement avec la frilosité de la direction du PS sur le sujet.
LE CHIFFRE
8,6 millions de travailleurs pauvres ont perçu une prime pour l’emploi (PPE) en 2007 et risquent de la perdre. Nicolas Sarkozy a en effet annoncé le redéploiement partiel de la PPE, dont le montant total versé en 2007 dépasse les 4 milliards d’euros, pour financer en 2009 le revenu de solidarité active (RSA). Le RSA, financé à hauteur de 1 à 1,5 milliard d’euros, doit compléter les ressources des travailleurs pauvres et des bénéficiaires de minima sociaux, ce que faisait en partie la PPE. Autrement dit, ce sont les salariés modestes qui financeront les plus pauvres d’entre eux. Le chef de l’État aurait pu s’épargner ce bricolage réformiste en puisant dans les plus de 3 milliards de cadeaux fiscaux destinés aux plus riches.
EN DEUX MOTS…
Brice Hortefeux est un homme bon. En quatre mois, de janvier à avril, sur nuit mille expulsions de « clandestins », il a corrigé deux dysfonctionnements en régularisant une Turque et une Beninoise. Bon et féministe.
Olivier Brisson.
…ET AILLEURS
La gaufre d’Obama
L’hostilité au Hamas se porte bien dans la campagne présidentielle américaine. Le républicain John McCain et la démocrate Hillary Clinton n’ont pas eu de mots assez durs pour fustiger l’initiative de Jimmy Carter, qui s’est rendu à Damas pour rencontrer le chef du Hamas, Khaled Mechaal. Barak Obama est, lui, beaucoup plus réservé. À un journaliste qui lui demandait de condamner plus énergiquement qu’il ne l’avait fait auparavant le voyage de l’ancien président, Obama, qui prenait son breakfast dans un hôtel de Scranton (Pennsylvanie), a sobrement rétorqué : « Mais pourquoi je ne peux pas finir ma gaufre tranquille ? »
La surprise chinoise
Dans la palette du journalisme chinois, il y a donc ce qu’on appelle « la source officielle anonyme ». C’est en tout cas cette « source officielle anonyme » qui a été invoquée vendredi par l’agence Chine nouvelle pour annoncer « des contacts et des consultations » entre « les départements concernés du gouvernement central » et « un représentant privé du dalaï-lama ». Selon la même source, le gouvernement central espère ainsi que le chef spirituel tibétain « prendra des décisions crédibles afin de cesser les activités séparatistes, les complots, la violence et les activités pour perturber et saboter les Jeux olympiques ». Ce qui constitue une bonne base de dialogue en effet. L’enthousiasme diplomatique qui a accueilli cette annonce dans les capitales occidentales est peut-être un peu prématuré…
Politique très étrangère…
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Nicolas Sarkozy n’a pas brillé dans le domaine de la politique étrangère, au cours de sa longue intervention télévisée du 24 avril. Les mauvaises langues diront que pour connaître la politique française, il suffit de regarder du côté de la Maison Blanche. Si, tout de même ! Le Président a réaffirmé sa volonté d’organiser un référendum si la question de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne se posait alors qu’il est encore à l’Élysée. Les mauvaises langues (les mêmes !) observeront qu’il s’agit peut-être là davantage de politique intérieure qu’étrangère. Cette même « politique intérieure », un peu nauséabonde, qui a conduit Nicolas Sarkozy à s’étendre si longtemps sur la question de l’immigration.
Vu !
Molles menaces
Au cours de son entretien télévisé, jeudi, Nicolas Sarkozy a menacé de retirer les allégements de charges aux entreprises qui n’ouvriraient pas de négociations salariales. Invité à préciser cette annonce, le secrétaire d’État à l’Emploi, Laurent Wauquiez (photo), a indiqué, vendredi matin sur BFM-TV, que l’obligation ne portait que sur l’ouverture de négociations. « Il faut faire attention, si on met une pression totale, toutes entreprises confondues, sur l’augmentation des salaires, le risque est que toutes les entreprises partent à l’étranger », a-t-il justifié.
Tout à sa politique en trompe-l’œil, le gouvernement rêve donc de négociations qui surtout n’aboutissent pas…
Entendu !
Patron en chef
Invité de RTL, le 22 avril, Christian Noyer, membre du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) au nom de la Banque de France, a fait part de la détermination de cette institution à ramener l’inflation « sous les 2 % », quitte à relever encore son taux directeur, actuellement à 4 %. « Nous ferons ce qu’il faudra pour ça », a-t-il prévenu, d’un ton martial. Illustration : « Nous avertissons tous les chefs d’entreprise qu’ils ne doivent pas faire évoluer les salaires, les marges, comme si l’inflation devait rester à 3,5 %, a-t-il lancé. Il faut se caler sur notre objectif, qui est de moins de 2 %. »
Qui doute encore que les banquiers centraux dictent la politique salariale ?
Erreurs en série
Nicolas Sarkozy a le mea culpa sélectif.
Si le Président a reconnu, le 24 avril à la télévision, « avoir fait des erreurs » – une démarche pas si courante chez nos élus – il a omis la plus criante : l’échec des lois sur l’immigration, qu’il a pourtant contribué à durcir depuis 2002. Preuve des contradictions du dispositif : la grève des 600 salariés sans papiers d’Île-de-France qui réclament leur droit à une régularisation par le travail.
Question du journaliste Yves Calvi ce soir-là : « Avec la grève des salariés sans papiers de la restauration, l’image des clandestins n’est-elle pas en train de changer, et ne font-ils pas partie aussi de la France qui se lève tôt ? »
Réponse de Nicolas Sarkozy : « Il y a 22 % de chômeurs chez les immigrés réguliers. Qu’on ne vienne pas me faire croire qu’on est obligé d’aller chercher un malheureux clandestin pour le faire travailler ! »
D’où sort ce chiffre de 22 % ? Les statistiques liées à l’origine n’existent pas en France, et seul le Front national s’est aventuré dans des calculs de ce type.
Deuxième erreur : suggérer que les clandestins prennent le travail des immigrés réguliers, oublier que les postes qu’ils occupent sont si précaires et pénibles qu’ils sont les seuls à les accepter, et négliger le fait qu’ils occupent des emplois dans des secteurs « en tension » où la France manque de main-d’œuvre, même en les comptant. Le Président a donc manqué d’admettre que ce ne sont pas les clandestins qui profitent du marché de l’emploi mais l’inverse.
Troisième erreur, et pas la moindre : « On ne devient pas Français parce qu’on travaille dans la cuisine d’un restaurant », a affirmé Nicolas Sarkozy. Est-ce à dire que l’ancien ministre de l’Intérieur confond – sciemment ou pas – régularisation et naturalisation, titre de séjour et carte d’identité ? « Faire des erreurs » ne se conjugue pas qu’au passé… Mais encore faut-il qu’elles soient relevées, car, le 25 avril, Médiascopie affirmait que le panel des auditeurs sondés après l’émission avait jugé le Président « particulièrement convaincant sur les sans-papiers ». L’erreur persiste.
I. M.
Lu !
Juste ?
Tous les jours, Brice Hortefeux se demande : « Notre action est-elle juste ? », explique-t-il dans le Monde (25 avril). Pur effet de manche car, selon lui, « elle trouve sa cohérence dans sa triple vérité : elle est à la fois nécessaire, efficace et équilibrée ». Le ministre défend aussi les conditions de vie dans les centres de rétention (CRA), le jour où paraît un rapport de la Cimade (voir www.pour-politis.org), qui évoque des automutilations, tentatives de suicide et incendies « quasi quotidiens », ainsi que la rétention de malades, vieillards, enfants, femmes enceintes, et de travailleurs réguliers qui n’ont pu renouveler leur titre de séjour…
Précaution
Plusieurs mois avant la conférence mondiale contre le racisme qui doit se tenir en 2009, Caroline Fourest, qui tient désormais chronique dans le Monde (25 avril), part déjà en croisade contre « Durban II ». C’est sans doute ce qu’on appelle le principe de précaution…
La croisée d’un néoconservatisme à la française fait allusion à la 3e conférence contre le racisme de septembre 2001. Celle-ci n’avait pourtant fait que réaffirmer « le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination ».
À ne pas confondre avec le forum des ONG, qui se tenait parallèlement, et qui avait déclenché la polémique en qualifiant Israël d’« État raciste ». Quoi qu’il en soit, la chroniqueuse préfère s’indigner pour ce que pourrait conclure une conférence dans plusieurs mois que de la situation humanitaire à Gaza aujourd’hui.