Le PS fait sa mue
La nouvelle déclaration de principes des socialistes marque leur attachement au réformisme, à la démocratie et à l’« économie de marché sociale et écologique ». Sans oublier le pragmatisme.
*Retrouvez l’intégralité de cette nouvelle déclaration de principes et de celle de 1990 sur le Blog des rédacteurs . Vos remarques, analyses et commentaires y sont attendus.*
dans l’hebdo N° 999 Acheter ce numéro
Première étape de sa « rénovation » annoncée, le PS a dévoilé lundi sa nouvelle déclaration de principes. Affiné en trois semaines par une commission composée d’une quinzaine de représentants de toutes les sensibilités du parti, ce texte, dont l’architecture et la version initiale ont été conçues par le strauss-kahnien Alain Bergounioux, n’est encore officiellement qu’un projet sur lequel les militants se prononceront par un vote en section, le 29 mai. Il peut encore être modifié d’ici à la convention nationale qui en arrêtera la version définitive, le 14 juin. Mais « les amendements proposés dans les fédérations devront l’être sur la base du consensus » , a prévenu l’eurodéputé (fabiusien) Henri Weber, ce qui réduit le champ des modifications éventuelles.
François Hollande, dans les locaux du parti socialiste, rue de Solferino. Coex/AFP
Véritable « carte d’identité » idéologique du PS, ce texte vise en effet une double fonction : définir le cadre de pensée commun à tous les socialistes et montrer que ces derniers, au-delà des divisions qui surgiront dans la préparation du congrès, sont unis sur l’essentiel. Depuis le congrès fondateur de 1905, les socialistes se sont attelés à cet exercice à chaque tournant de leur histoire : en 1946, à la création de leur parti ; en 1969, au lancement du processus qui allait conduire au congrès d’Épinay (1971) ; puis en 1990, quelques mois après la chute du mur de Berlin.
Trois fois moins concise que la déclaration qu’elle va remplacer, la nouvelle mouture définit en un préambule et 21 articles les « finalités fondamentales » , les « objectifs pour le XXIe siècle » et la nature du parti socialiste. Un exercice qui, à vouloir être consensuel, n’exclut pas les banalités. Affirmer au début du préambule que « le parti socialiste plonge ses racines dans la tradition de l’humanisme et dans la philosophie des Lumières » et « fait siennes les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, proclamées par la Révolution française » ne heurtera personne dans un pays qui a fait de ces trois valeurs sa devise. « Être socialiste, c’est ne pas se satisfaire du monde tel qu’il est » , lit-on encore à l’article premier, ce qui doit bien faire de 80 % des Français des socialistes potentiels.
Sans surprise, le texte dresse le portrait d’un parti « républicain », « laïque », « réformiste », « attaché aux grands principes de la Justice », « démocratique » . Un « parti populaire ancré dans le monde du travail » , « européen » et « internationaliste » mais aussi « décentralisateur » . Une innovation de dernière minute qui porte l’empreinte de Ségolène Royal.
Mais la véritable nouveauté du texte réside dans l’inscription du « développement durable » (article 3) parmi les priorités du PS. Ce souci environnemental, ébauché en 1990, est omniprésent, notamment à travers une remise en cause du productivisme (article 7). Il figure dans la définition du « but de l’action socialiste » : « L’émancipation complète de la personne humaine et la sauvegarde de la planète. » Marqueur de modernité, l’écologie permet de maintenir une critique du capitalisme et de ses « contradictions », sans apparaître trop à gauche.
Car le texte entérine largement les glissements consentis dans la pratique du pouvoir et au contact des partis frères européens. Très commenté, l’abandon de toute référence aux « espérances révolutionnaires » en est le symbole. « Parti de rassemblement, [le PS] met le réformisme au service des espérances révolutionnaires », proclamait encore la déclaration de 1990. Si le préambule « revendique le souvenir de la Commune » , le PS de 2008 « porte un projet de transformation sociale radicale » , mais précise que *« celle-ci ne se décrète pas, qu’elle résulte d’une volonté collective forte assumée dans le temps, prenant en compte l’idéal, les réalités et l’histoire ».
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Place donc au pragmatisme. Et à l’aménagement du capitalisme. « Les socialistes sont partisans d’une économie sociale et écologique de marché […] régulée par la puissance publique, ainsi que par les partenaires sociaux. » Ils veulent juste combiner « un secteur privé dynamique, des services publics de qualité, un tiers acteur d’économie sociale » . Et s’ils parlent encore de changer la vie, ils ne veulent plus qu’y « contribuer […] avec la société et par la société, par la loi et le contrat » . Deux autres innovations sont à signaler. En 1990, le PS affirmait faire « le choix de l’Europe » et notamment de « la Communauté européenne, à condition qu’elle ne se réduise pas à un simple marché » , et voulait « accélérer la construction européenne dans toutes ses dimensions politiques, économiques et sociales » . Le nouveau texte revendique « le choix historique de l’Union européenne » – entité juridique créée par le traité de Maastricht –, rappelant qu’il l’a « non seulement voulue, mais en partie conçue et fondée » . « Celle-ci doit avoir pour mission, par ses politiques communes, d’assurer la paix sur le continent et d’y contribuer dans le monde, de favoriser une croissance forte et durable et le progrès social, de promouvoir la créativité et la diversité culturelle, d’aider à relever les défis planétaires par l’exemple d’association qu’elle offre » , poursuit le texte, qui se contente d’assigner pour objectif au PS de « tout mettre en œuvre pour renforcer [le PSE] afin que soit porté un message socialiste en Europe » , sans autre précision. Oubliée la perspective d’une Europe politique et démocratique.
Enfin, dans l’ordre international, le soutien du PS au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, affirmé encore en 1990, cède la place à une formule des plus ambiguës : « Le combat pour une communauté internationale pacifique […] demande […] de reconnaître les intérêts propres des États et des peuples, de travailler à dégager les intérêts communs pour construire un monde équilibré, juste et sûr. »
Plus qu’une rénovation, c’est une mutation idéologique qu’avalise cette déclaration de principes.