Spéculation et crises : ça suffit !
Un collectif d’économistes européens exige l’abrogation
de l’article 56 du traité de Lisbonne. Ils appellent les citoyens à soutenir massivement leur initiative*.
dans l’hebdo N° 996 Acheter ce numéro
La finance déréglementée détruit les sociétés. Silencieusement, au quotidien, quand les actionnaires pressurent les entreprises, c’est-à-dire les salariés, pour en extraire davantage de rentabilité, au Nord comme au Sud. À grand spectacle et avec fracas dans les crises aiguës où se révèlent brutalement les invraisemblables excès de la cupidité spéculative et leur contrecoup sur l’activité et l’emploi. Chômage, précarisation, accroissement des inégalités : les salariés et les plus pauvres sont voués à faire les frais soit de la spéculation, soit des nuisances du krach qui s’ensuit.
Depuis deux décennies, le cours de la finance mondiale n’est qu’une longue suite de crises : 1987, krach boursier ; 1990, crise immobilière aux États-Unis, en Europe et au Japon~; 1994, krach obligataire américain~; 1997 et 1998, crise financière internationale~; 2000-2002, krach Internet~; 2007-2008, enfin, crise immobilière et peut-être crise financière globale.
Pourquoi une telle répétition? Parce que toutes les entraves à la circulation des capitaux et à l’«~innovation~» financière ont été abolies. Quant aux banques centrales, qui ont laissé enfler la bulle, elles n’ont plus d’autre choix que de se précipiter au secours des banques et des fonds spéculatifs en mal de liquidités.
Nous n’attendrons pas la prochaine crise sans rien faire et ne supporterons pas plus longtemps les extravagantes inégalités que la finance de marché fait prospérer, ni les dangers qu’elle fait courir à tous. Parce que l’instabilité est intrinsèque à la déréglementation financière, comment les dérisoires appels à la «~transparence~» et à la «~moralisation~» pourraient-ils y changer quoi que ce soit et empêcher que les mêmes causes, de nouveau, produisent les mêmes effets~? Y mettre un terme suppose d’intervenir au coeur du «~jeu~», c’est-à-dire d’en transformer radicalement les structures. Or, au sein de l’Union européenne, toute transformation se heurte à l’invraisemblable protection que les traités ont cru bon d’accorder au capital financier.
C’est pourquoi nous, citoyens européens, demandons l’abrogation de l’article 56 du traité de Lisbonne, qui, interdisant toute restriction à ses mouvements, offre au capital financier les conditions de son emprise écrasante sur la société. Et nous demandons également que soit restreinte la « ~ liberté d’établissement ~ » (art. 48), qui laisse opportunément au capital la possibilité de se rendre là où les conditions lui sont le plus favorables, et permettrait ici aux institutions financières de trouver asile à la City de Londres ou ailleurs.
Si par «~liberté~» il faut entendre celle des puissances dominantes, aujourd’hui incarnées dans la finance, d’asservir le reste de la société, disons immédiatement que nous n’en voulons pas. Nous préférons celle des peuples à vivre hors de la servitude de la rentabilité financière.
- Le site Internet de la pétition (multilingue) : <www.stop-finance.org>. Il avait enregistré 4 147 signatures au 1er avril.