Chères nourritures terrestres
dans l’hebdo N° 1003 Acheter ce numéro
Allons-nous tous mourir de faim ? Les récentes émeutes dans plusieurs pays du Sud nous ont rappelé que le temps des famines n’était pas si lointain, même en Europe…
Pour ces pays, tout le monde s’accorde maintenant à penser que la meilleure solution est de développer une agriculture vivrière familiale fondée sur les ressources locales traditionnelles en semences, savoir-faire et engrais ^2. Il y a bien encore quelques nostalgiques de l’agro-industrie pour préconiser le transfert au Sud de notre modèle agricole hyperproductiviste et hyperpolluant, mais ils sont de moins en moins nombreux, ne serait-ce que parce que les paysans pauvres n’ont pas les moyens de se payer les matériels et les intrants que nécessite ce type d’agriculture.
Pour les pays du Nord, c’est différent, car l’agriculture y est tellement productive et excédentaire que le risque d’une famine y semble très théorique. Et pourtant… il ne faudrait pas oublier que le modèle agricole occidental repose entièrement sur un pétrole bon marché et abondant. Il fait rouler les tracteurs, entre dans la fabrication des engrais et des pesticides, et surtout il est nécessaire pour transporter les produits sur de longues distances.
Il y a peu d’études sur ce sujet, mais j’en ai déniché une de l’écologue suédois Folke Günther, publiée en 2004 par la fondation irlandaise Feasta ^3. Elle montre que l’énergie nécessaire pour produire et transporter la nourriture d’une famille (suédoise) de quatre personnes est de l’ordre de 40 000 kWh par an, à comparer aux 17 000 kWh nécessaires à sa maison ou aux 15 000 kWh consommés par sa voiture… Des travaux antérieurs montrent que le transport de nourriture en Suède peut représenter 10 % de l’utilisation totale de l’énergie, et que ce chiffre atteindrait 16 % dans des pays comme l’Angleterre ou les États-Unis. Dans l’hypothèse d’une multiplication par cinq ou dix du prix du pétrole, ce serait insupportable… Alors, que faire ?
Eh bien tout le contraire de ce que l’on a fait jusqu’ici, dans un contexte d’énergie bon marché : rendre l’agriculture aussi peu dépendante que possible du pétrole, et pour cela investir massivement dans l’agriculture biologique ; minimiser les transports de denrées alimentaires, et pour cela développer des circuits locaux de production et de distribution, ce qui nécessite – entre autres – de préserver les terres agricoles à proximité des villes pour les mettre à disposition des agriculteurs locaux ou des familles. Nos élus locaux feraient bien d’y réfléchir, au lieu de bétonner à tout va.
.