Citoyens des égouts

Un reportage sur les migrants illégaux entassés à la frontière californienne.

Jean-Claude Renard  • 15 mai 2008 abonné·es

Tijuana, Mexique . À une encablure de la Californie. Le long d’un canal où ­s’écoulent les égouts sont entassées plusieurs centaines de personnes. Expulsées des États-Unis, sans famille, sans nulle part où aller, engluées dans ce goulet ­d’étranglement baptisé « tierra de nadie » , la terre de personne. Le rêve américain prend fin ici, dans les allers et retours incessants de part et d’autre de la frontière. On les appelle « les déportés » .

Quelques-uns sont là depuis dix ans, toujours attirés par le Nord où « tout serait plus facile » , trop malades ou trop pauvres pour revenir au village natal. Toxicomanes pour la plupart, dealers, prostitués. Ils bricolent sur place. Cent métiers, cent misères. Laveurs de voitures sur l’échangeur autoroutier, par exemple, dans la hantise des rafles de la police, qui pille les maigres butins. C’est alors et aussi sec la prison.

L’administration pénitentiaire fait du chiffre, fièrement. Quelques bonnes âmes esseulées veillent sur les traitements infligés, les conditions de détention. Ça ne change pas grand-chose. Beaucoup de ces migrants illégaux vivent cachés dans les égouts. Dans ce cul de basse-fosse règne un plein fagot de solidarité. Ni bande, ni mafia, juste des règles de respect et d’honnêteté entre eux. C’est aussi l’un des moments forts de ce reportage désolé désolant.

Médias
Temps de lecture : 1 minute