En quête de vérité
Certains films à Cannes cherchent à renouveler
les visions du réel.
dans l’hebdo N° 1003 Acheter ce numéro
Documentaire d’animation pour Valse avec Bachir d’Ari Folman, entrecroisement de témoignages réels et de récits fictionnels dans 24 City de Jia Zhangke, fiction documentée pour Hunger de Steve McQueen, rencontre improbable du documentaire et de la fiction dans Je veux voir, de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, plusieurs films présentés à Cannes, en l’occurrence dans la compétition officielle pour les deux premiers, à Un certain regard pour les deux suivants, témoignent du besoin de renouveler les visions du réel. Un réel qui concerne plus précisément et respectivement : l’intervention israélienne dans la guerre civile libanaise, la condition des ouvriers d’une usine militaire chinoise, la grève de la faim de Bobby Sands en Irlande au début des années 1980, les effets de la guerre du Liban de 2006. Ces films, qui prennent appui sur de l’existant collectif – ce qu’on appelle l’Histoire – empruntent des voies singulières pour en donner un éclairage inédit, une représentation subjective.
La porosité de la frontière entre le documentaire et la fiction est une affaire déjà ancienne. Et le documentaire animé d’Ari Folman n’apparaît une révolution qu’aux yeux les moins ouverts. En revanche, ces différents modes de récit, en quête de justesse et de vérité, s’affranchissent des idéologies médiatiques les plus répandues : la religion des faits – qui serait le must du respect de la réalité, et la neutralité du regard – qui garantirait au spectateur une information « objective ».
Cannes, festival hypermédiatisé, où le toc est ce qu’il y a de plus visible, réserve des surprises. La présence convergente des films de l’Israélien Ari Folman, du Chinois Jia Zhangke, du Britannique Steve McQueen, des Libanais Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, et de quelques autres, constitue une redoutable machine de guerre contre les images de flux, celles qui polluent la télévision, les films, les magazines, les murs des villes. Toutes ces images « authentiques » qui façonnent un univers mensonger. Quand le cinéma explore une autre façon de représenter et de penser notre monde, son prix est inestimable.