Gros et petits cadeaux
Allégements fiscaux, flexibilité, libéralisation et accroissement de la concurrence figurent parmi les recettes censées relancer la croissance. Surtout celle des porte-monnaie dodus.
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« Paquet fiscal »
Première réforme économique du gouvernement, la loi sur le Travail, l’Emploi et le Pouvoir d’achat (Tepa) a été votée au Parlement le 1er août 2007. Elle se présente comme un « paquet fiscal » : exonération d’impôts et de charges sociales pour les heures supplémentaires, crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt pour l’achat ou la construction de l’habitation principale, allégement des droits de succession et de donation, renforcement du bouclier fiscal, réduction de l’impôt sur la fortune en cas d’investissement dans les PME ou pour des dons à des organismes d’intérêt général. Cette loi destinée à favoriser l’emploi et le pouvoir d’achat était censée engager un « choc de croissance » . Mais les 14 milliards qu’elle coûte ne font que renforcer le pouvoir d’achat des plus riches via les allégements fiscaux consentis sur les droits de succession, l’ISF ou les intérêts d’emprunt. La réforme ne favorise que les actifs déjà salariés en les faisant profiter de bien maigres heures supplémentaires, aux dépens des chômeurs et travailleurs à temps partiel.
Avec son projet de loi de modernisation de l’économie, Christine Lagarde veut gagner 0,3 point de croissance. Roberts/AFP
Suppression de la publicité
dans l’audiovisuel public
Après l’annonce inopinée, lors de ses vœux à la presse le 8 janvier, de sa décision de supprimer la publicité sur les antennes de France Télévisions, Nicolas Sarkozy a confié à Jean-François Copé la mission de redéfinir le paysage de l’audiovisuel public. La « commission Copé » a remis son rapport d’étape le 16 avril, préconisant une suppression progressive d’ici à 2011 et à compter de 2009, mais sans plus de précisions. Le chef de l’État avait promis de compenser « euro par euro » la perte engendrée par la suppression de la pub. Les recettes publicitaires étant estimées à 1,2 milliard d’euros, la tâche s’annonce ardue et, à cette heure, rien de crédible n’a été avancé en matière de financement. Les conclusions des travaux de la commission sont attendues pour le 25 juin. Le cours de l’action de TF 1, dont les dirigeants avaient suggéré cette mesure dans un rapport discrètement remis au gouvernement, a été plus rapide : il s’est envolé à l’annonce présidentielle.
Code du travail
Initié sous Jacques Chirac, ce nouveau code du travail est entré en vigueur le 1er mai. Censée rendre le code plus « lisible », cette réorganisation du texte propose 3 652 articles constitutifs, contre 1 891 pour l’ancien, inchangé depuis 1973. Si les modifications sont d’abord de forme, certains professionnels redoutent que cette réorganisation ne vienne altérer l’interprétation générale du texte en défaveur des salariés.
Marché du travail
Issu de l’Accord national interprofessionnel (ANI) signé le 21 janvier 2008 par le Medef et quatre syndicats de salariés (la CGT s’étant abstenue), le projet de loi présenté en Conseil des ministres le 26 mars 2008 a pour ambition d’engager une « réforme historique » de « modernisation » du marché du travail. Parmi les mesures du dispositif, on note : l’abrogation du Contrat nouvelles embauches (CNE), la possibilité de rompre un contrat de travail d’un « commun accord » entre l’employeur et le salarié, qui pourra conserver ses droits Assedic, ou la création à titre expérimental du contrat de travail à durée déterminée « à objet défini » .
Dans sa volonté de mettre en place la sacro-sainte « flexisécurité », le gouvernement a opté sans surprise pour la flexibilité patronale aux dépens de la sécurité des travailleurs. La mise en œuvre du CDD « à objet défini », répondant à la réalisation d’une mission sur une durée maximale de trois ans, est un outil de précarisation pour les cadres et les ingénieurs, seuls concernés pour l’instant. La « rupture conventionnelle » biaise le rapport de force entre le salarié et l’employeur, qui pourra user de son ascendant hiérarchique sur le salarié pour le licencier sans motif, tandis que l’employé aura beaucoup plus de mal à faire appel à cette séparation « à l’amiable » puisqu’elle implique le versement d’une indemnité par l’employeur. Enfin, si le CNE est enterré, les salariés automatiquement requalifiés en CDI se verront pourtant imposer une période d’essai avant d’être « CDIsés », ce qui laisse le champ libre à un licenciement de dernière minute.
Modernisation de l’économie
Sous cet intitulé, le projet de loi de Christine Lagarde, dit aussi LME, en cours d’examen à l’Assemblée nationale, reprend certaines des mesures du « rapport Attali ». Il a pour objectif de rapporter 0,3 point de croissance supplémentaire à l’horizon 2009 et entend lutter en faveur du pouvoir d’achat. Le texte met en œuvre « le principe de la négociabilité des prix entre distributeurs et industriels » pour encourager la concurrence dans la grande distribution et, ainsi, amorcer la baisse des prix dans les supermarchés. La LME prévoit également l’élargissement, dès le 1er janvier 2009, de la distribution du Livret A, jusqu’ici réservée à la Banque postale et aux Caisses d’épargne.
Coup de pouce à la grande distribution, la négociation libre des tarifs entre fournisseurs et distributeurs fait courir le risque aux petits fournisseurs de se voir imposer une baisse drastique de leurs prix de vente par les distributeurs. Dans un rapport de force inégal, les plus petits fournisseurs ne pourront pas « jouer le jeu » de la concurrence. Loin de démocratiser l’accès à l’épargne favorite des Français, la banalisation du Livret A permet au gouvernement de faire payer la crise financière par les « petits épargnants » en apportant une nouvelle source de liquidités aux banques. Si la totalité des dépôts du Livret A était jusqu’alors centralisée à la Caisse des dépôts et consignations, qui proposait des prêts avantageux aux organismes HLM, c’est désormais seulement la moitié de ces fonds qui y sera placée par les banques privées, ce qui laisse présager des répercussions délétères sur la politique de logement social.
Représentativité syndicale
Engagées le 24 janvier dernier, les négociations entre les partenaires sociaux devaient mener à une redéfinition des règles de représentativité syndicale (inchangées depuis la révision de la loi de 1950 en 1966), elles ont permis de dégager, le 10 avril, une « position commune » adoptée par la CGT, la CFDT, le Medef et la CGPME. Bientôt traduite dans une loi. Pour être représentatif, un syndicat devra recueillir 10 % des suffrages exprimés lors des élections professionnelles ; un seuil de 8 % a été fixé concernant les négociations au sein des branches et au niveau interprofessionnel. Dans les entreprises sans syndicats, des accords pourront désormais être conclus avec des élus non-syndiqués. Pour être « majoritaire », un accord devra être signé par un ou plusieurs syndicats réunissant 30 % des suffrages. FO, l’UPA et la CGC ont refusé de parapher le texte, estimant que les nouvelles dispositions favorisaient principalement les grandes organisations syndicales. Ces négociations ont surtout mis au jour les divisions qui règnent entre les différentes organisations syndicales et patronales.
Réforme portuaire
Ce projet de loi adopté en Conseil des ministres le 23 avril 2008 veut améliorer la performance et la compétitivité des grands ports français. Deux notions synonymes de privatisation pour le gouvernement. Les outillages, les installations et les personnels de manutention des ports autonomes sont donc transférés au privé. « La recherche de rentabilité financière optimale au détriment de l’intérêt général aurait des conséquences lourdes sur les emplois, les qualifications et la sécurité », a prévenu la CGT.