« Un vivier de projets »
Le Collectif pour l’économie solidaire et le Réseau de développement social urbain défendent une politique
ambitieuse de la ville, favorisant les initiatives de citoyens.
dans l’hebdo N° 1004 Acheter ce numéro
De nombreux acteurs s’interrogent sur la capacité collective de la société à régler les questions d’exclusion et de précarisation d’une partie de la population, alors que le président de la République a présenté un plan banlieues en février. Fadela Amara, secrétaire d’État à la Politique de la ville, a de son côté annoncé récemment que tous les ministères présenteront un engagement triennal sur les «quartiers» lors d’un comité interministériel des villes le 16~juin.
La région Île-de-France regroupe la moitié des quartiers relevant de la politique de la ville, où 500~professionnels du développement social urbain (DSU), en lien avec de nombreux autres acteurs, essaient de favoriser des projets de développement solidaire, dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale ou d’autres politiques publiques. Par-delà ce nouveau plan et les problèmes de dégradation socio-économique et urbaine, ces territoires sont aussi des espaces de vie et d’activités ! Face au cumul des difficultés, des collectifs d’habitants, de jeunes, de femmes se mobilisent pour contribuer à trouver des solutions. Ces acteurs interviennent de manière très diversifiée mais sont motivés par des préoccupations communes pour recréer de l’activité économique génératrice d’emploi sur des territoires trop souvent délaissés par les pouvoirs publics et les entreprises, en répondant à des besoins non couverts.
La culture présente un véritable vivier de projets qui cherchent à vitaliser ces territoires à travers l’action culturelle et l’existence même de lieux de vie, d’échanges et de convivialité. Comme le revendique le Réseau solidaire de lieux culturels franciliens, Actes-IF, ces projets sont indissociables de leur contexte territorial. Leur démarche artistique et culturelle s’appuie inévitablement sur l’environnement et la participation des citoyens, développe des rapports de proximité et dynamise les tissus locaux en s’articulant aux champs sociaux, politiques, urbains et économiques.
D’autres projets sont portés par des collectifs de femmes migrantes qui veulent créer des activités économiques leur permettant d’utiliser leurs savoirs et de construire un mieux-vivre ensemble. Des restaurants de quartier créent de l’emploi, offrent une alimentation de qualité et ouvrent des espaces interculturels et intergénérationnels. Les régies de quartier redonnent du travail à des personnes issues des quartiers en intervenant sur l’amélioration du cadre de vie, en développant différents services de proximité et en assurant une gestion tripartite mobilisant bailleurs, collectivités locales et habitants. Parfois, elles facilitent l’éclosion d’initiatives qui deviendront ensuite autonomes. D’autres encore essaient de répondre aux besoins en haltes-garderies, permettant aux femmes de se former ou de travailler, ou entreprennent dans le domaine du commerce équitable, difficile à installer dans une «zone urbaine sensible». Certains acteurs innovent autour de finances solidaires, comme les Cigales ou les tontines. Enfin, les réseaux d’échanges réciproques de savoirs croisent populations et cultures.
Toutes ces réalisations et bien d’autres témoignent de la vitalité des habitants des quartiers, de leur capacité d’inventivité, de leur solidarité. Elles ont un rôle important à jouer pour le développement économique et social du territoire. Ces projets s’inscrivent dans l’économie solidaire. Mais leur transversalité dérange et s’intègre mal à des dispositifs très cloisonnés. Pour véritablement exister et se développer, ces initiatives ont besoin d’être reconnues, encouragées et soutenues par une volonté politique et des dispositifs adaptés.
C’est pour faire reconnaître ces démarches et lever les obstacles auxquels ils sont confrontés que de nombreux réseaux et acteurs se sont regroupés dans le Collectif pour l’économie solidaire en Île-de-France (Cesif), qui s’ancre au plus près des préoccupations des territoires. L’articulation avec les questions de lutte contre les discriminations a abouti à la constitution du Cesif~91 à Grigny. L’économie sociale et solidaire, quand elle prend racine sur les potentialités et les besoins des territoires, peut inventer des solutions innovantes et dynamiques pour sortir ces quartiers de la morosité et de la désespérance ambiantes. C’est en s’appuyant sur les forces vives, en particulier les jeunes, et en leur donnant les moyens de leurs ambitions qu’on pourra lutter de manière efficace et cohérente contre les ségrégations sociales et territoriales qui attaquent dangereusement la cohésion sociale. Une politique de la ville ambitieuse, durable, participative et solidaire doit ouvrir le maximum de possibilités éducatives, culturelles et économiques pour que les jeunes générations puissent trouver leur juste place dans la société.
Collectif pour l’économie solidaire en Île-de-France
Réseau de développement social urbain en Île-de-France