« Dire la vérité et protéger les plus faibles »

Pour le député Vert Yves Cochet, président du groupe d’étude sur les pics pétroliers
et gaziers,
les crises écologiques
et sociales qui se développent appellent une véritable économie
de guerre.

Patrick Piro  • 5 juin 2008
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Le président Sarkozy pouvait-il éviter de donner satisfaction aux marins pêcheurs, qui réclamaient une forte réduction du prix du gazole ?

Yves Cochet : Il fallait bien sûr soulager cette profession qui souffre. Mais ce contre-feu est une politique de Gribouille qui ne tiendra pas longtemps. Après les 22~000~marins pêcheurs, ce seront les routiers, les agriculteurs, et bientôt toutes les professions énergivores qui seront touchées. On racle quelques dizaines de millions au fond des tiroirs pour étouffer les émeutes, mais le problème demeurera et s’amplifiera.

Le prix des hydrocarbures, et de toutes les énergies, est amené à croître durablement, ne serait-ce que pour une raison géologique : le monde est entré depuis 2005, selon mon appréciation, dans l’ère de la déplétion du pétrole conventionnel. En outre, la demande mondiale augmente sans contrôle, tandis que la production décroît désormais de manière inéluctable, et l’on découvre de moins en moins de nouvelles réserves.

Par ailleurs, la surpêche est l’autre versant de la crise qui touche la profession. Elle menace la ressource halieutique de manière très préoccupante. Moins de poissons, qu’il faut aller chercher plus loin, à coût plus élevé, au moyen de chalutiers pélagiques qui détruisent les écosystèmes marins avec leurs énormes filets attrape-tout !

L’activité serait-elle donc condamnée à terme ?

Soyons lucides : on ne peut pas entretenir l’espoir que tout peut redevenir «comme avant». Aujourd’hui, de plus en plus de marins pêcheurs français abandonnent sous le poids des contraintes, dans la douleur, et ce n’est pas près de s’arrêter.

Il faut affronter la réalité en mettant au point un plan social massif, avec des reconversions planifiées, visant à diviser par deux ou trois le nombre de professionnels, selon le type de pêche ou de bateau, et à l’échelon de l’Union européenne. Mais la France, qui va en prendre la présidence début juillet, n’a pas l’ombre d’une proposition dans ce sens.

Que leur proposez-vous ?

Je soutiens que les deux grands chantiers créateurs d’emplois par centaines de milliers, face à la déflagration sociale qui se prépare dans plusieurs secteurs, c’est la rénovation thermique des bâtiments et le renouveau d’une agriculture locale, diversifiée, respectueuse de l’environnement, se substituant aux grandes monocultures industrielles, destructrices d’emplois et de ressources naturelles. Les bénéfices se verront aussi dans l’allégement des importations pétrolières et gazières de la France, qui atteignent 50~milliards d’euros par an.

Réduire les flottes de pêche, aujourd’hui, c’est favoriser la concentration de l’activité aux mains de gros navires usines, au personnel réduit…

Il faut bien sûr protéger d’abord les petites entreprises de pêche, qui emploient plus de personnes, et dont les prises ont moins d’impact sur la ressource.

Conséquence : il faut s’attendre à trouver moins de poissons sur les étals, et à des prix plus élevés. Les consommateurs, même dans les pays riches comme le nôtre, doivent se préparer à manger moins de poisson et moins de viande, parce que la pêche et l’élevage industriels exigent trop d’énergie, parce qu’on ne pourra plus se les offrir.

Le renchérissement de l’énergie condamne-t-il toute promesse d’augmentation du pouvoir d’achat ?

C’est une réalité, il ne faut pas la cacher. Le litre d’essence à 2,50~euros, c’est peut-être pour 2009, et ce n’est qu’un début. La politique et l’éthique que je défends, c’est dire la vérité aux gens et protéger les plus faibles, qui seront les premiers touchés. Il faudra donc une solidarité accrue, notamment de la part des riches. Peut-on encore s’interdire de toucher au pactole pétrolier de Total, qui va dégager cette année 15~milliards de bénéfice net après impôts ? Et faire perdurer le cadeau fiscal du même montant octroyé l’an dernier aux hauts revenus ?

Pour ma part, j’en appelle à la mise en place, d’ores et déjà, d’une véritable économie de guerre, planifiée, équitable et démocratique. Je fais même le pari que les Jeux olympiques de Londres, en 2012, ne pourront pas se tenir parce que les circonstances ne se prêteront pas à un tel rassemblement international !

La hausse du pétrole se traduirait-elle déjà par une réduction des échanges planétaires ?

Même des économistes états-uniens chevronnés en conviennent désormais : la mondialisation dans laquelle nous vivons ira en se rétractant. Les transports aériens, le coût d’affrètement des cargos vont devenir prohibitifs, au point que certaines productions locales commencent à redevenir compétitives face aux importations. Il n’est pas utopique de penser que des savoir-faire quasi éteints, comme le textile français, puissent être revitalisés d’ici peu ! La tendance qui se dessine, c’est la conquête de l’autosuffisance alimentaire et énergétique régionale.

Écologie
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