Évaluer les politiques antidiscriminatoires

Olivier Doubre  • 19 juin 2008 abonné·es

Si le terme de « minorités visibles » semble entrer peu à peu dans le vocabulaire courant, aucune donnée chiffrée n’existe officiellement en France sur ces groupes, alors que certaines politiques publiques – contre les discriminations en particulier – les concernent au premier chef. Les dangers de fichiers précisant les origines géographiques ou la couleur de peau, certes bien réels, constituent l’argument constant des adversaires d’une évolution du système statistique français, qui brandissent sans cesse les principes républicains ne reconnaissant que des citoyens égaux « sans distinction de race, d’origine, de religion… ».
Pourtant, il semble que ces défenseurs acharnés d’une République « une et indivisible » refusent de voir ce qui saute aux yeux de tous les habitants de France et de Navarre : la diversité d’une société à l’heure de la mondialisation, où les discriminations sont fréquentes. Pour tenter de pousser dans le sens d’études – et non de fichiers ! – sur les minorités ethnoraciales, anonymisées et quantitatives, comme sait en construire l’Institut national d’études démographiques (Ined), notamment, le Conseil représentatif des associations noires (Cran) commande désormais chaque année un sondage à l’Institut TNS-Sofres.
Or, en 2007, 67 % des personnes se déclarant comme Noirs admettent avoir été victimes de discrimination raciale, et 35 % d’entre elles estiment que ces discriminations se sont même aggravées durant l’année. Bien que cette enquête ne soit pas une donnée statistique, puisqu’elle ne témoigne que du ressenti des sondés, Pap Ndiaye note : « Compte tenu de la difficulté qu’il y a souvent pour les personnes concernées de qualifier comme discriminatoire une situation sociale qui peut s’avérer ambiguë, dans la mesure où le facteur discriminatoire éventuel n’est pas aisément identifiable, qu’une majorité de Noirs de France déclarent être victimes de discrimination raciale est en soi un fait social remarquable. » Il y a donc lieu de se demander si le refus de statistiques anonymes concernant les minorités ethnoraciales ne traduit pas un refus d’appréhender dans les politiques publiques leurs problèmes spécifiques. Jusqu’à quand ?

Société
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Dissolution d’Urgence Palestine : face aux rapporteurs spéciaux de l’ONU, la France botte en touche
Répression 28 novembre 2025

Dissolution d’Urgence Palestine : face aux rapporteurs spéciaux de l’ONU, la France botte en touche

Fin septembre, le gouvernement français a été interpellé par quatre rapporteurs spéciaux de l’ONU sur les atteintes aux droits humains qu’entraînerait la dissolution d’Urgence Palestine. Politis a pu consulter la réponse du gouvernement, qui évacue les questions, arguant que la procédure est toujours en cours.
Par Pauline Migevant
« Je ne veux pas être déportée » : au CRA d’Oissel, la mécanique de l’enfermement
Reportage 27 novembre 2025 abonné·es

« Je ne veux pas être déportée » : au CRA d’Oissel, la mécanique de l’enfermement

Si le centre de rétention administrative (CRA) d’Oissel-sur-Seine, situé en pleine forêt, n’existe pas dans la tête des gens habitant aux alentours, l’enfermement mental et physique est total pour les femmes et les hommes qui y sont retenus. Politis a pu y rentrer et recueillir leurs témoignages.
Par Pauline Migevant
« À Paris, les manifs pour la Palestine doivent être à la hauteur des autres capitales européennes »
La Midinale 26 novembre 2025

« À Paris, les manifs pour la Palestine doivent être à la hauteur des autres capitales européennes »

Anne Tuaillon, présidente de l’association France Palestine Solidarité, est l’invitée de « La Midinale ». Ce samedi 29 novembre, 85 organisations dont LFI, le PS, le PCF, les Écologistes, la CGT et beaucoup d’autres, organisent une grande mobilisation pour la défense des droits du peuple palestinien sur la base du droit international.
Par Pablo Pillaud-Vivien
L’affaire Tran, exemple malheureux d’une justice à deux vitesses
Décryptage 25 novembre 2025

L’affaire Tran, exemple malheureux d’une justice à deux vitesses

112 plaignantes, 1 gynécologue… et 11 ans d’instruction. En 2027, le docteur Tran sera jugé pour de multiples viols et agressions sexuelles. Plaintes ignorées, victimes oubliées, délais rallongés… Cette affaire témoigne de toutes les lacunes de la justice en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Par Salomé Dionisi