« La petite Rockette » menacée
Les membres du collectif La petite Rockette, à Paris, exhortent la préfecture à geler l’avis d’expulsion du squat artistique. Depuis le lundi 3 juin, ses habitants vivent dans la peur d’être jetés dehors.
« Quand on a ouvert le squat en 2005, il n’y avait aucun équipement culturel dans le quartier, alors si la pref nous expulse, on en ouvrira un autre. Avec tout ce qu’on a monté ici, on va pas tout arrêter » , explique Joackim Bourneuf, co-président et fondateur de l’association la Petite Rockette, qui organise les activités du squat. La rue, il connaît. Il a déjà donné. Quand il a débarqué à Paris en 1997, Joackim a enchaîné les missions d’intérim. Mais sans cautionnaire, impossible de louer un appartement. Les mois de galère dans la rue, il s’en souvient : « Tu vas bosser comme les autres à 5h du matin sauf que toi t’as dormi dehors. »
Julie Azémar
C’est d’une rencontre avec des squatteurs de Clichy que le projet de La Petite Rockette va naître. Avec Delphine, Aurélien et Renald, ils ouvrent le squat en octobre 2005 pour transformer cet immense bâtiment vide en un lieu ouvert à tous ceux qui veulent s’exprimer : ateliers d’artistes, salles d’expositions, de danse et de répet’ pour les musiciens, … Au numéro 6 de la rue Saint Maur, dans le XIe arrondissement de Paris, Joackim, animateur socio culturel d’éducation à l’image, tient à nous faire visiter. De la cuisine au jardin, en passant par les trois étages, le squat est « clean ». Depuis trois ans, La Petite Rockette fonctionne sur le principe de l’autogestion. Pour les habitants du quartier, c’est la possibilité de prendre des cours de yoga, d’arts martiaux, de théâtre ou d’informatique. Médecins du monde y assure une permanence socio-médicale chaque mercredi.
Pour combien de temps ?
Lundi 2 juin au matin, les habitants de la Rockette ont été réveillés par un huissier. « Il nous a demandé les clés. On a refusé » , se rappelle calmement Joackim, bien décidé à rester dans les lieux jusqu’au bout. Expulsables depuis mars 2008, les dix habitants du squat ne se laissent pas intimider. Ils ont entamé des négociations avec la mairie qui, selon eux, se dit prête à racheter le bâtiment. Mais tout dépend du ministère des Finances, propriétaire de l’immeuble, qui refuse de révéler ses intentions. Une situation qui ne surprend pas Joackim : « Comme d’hab, on attend. On a organisé une réunion avec le maire, Patrick Bloche. Le ministère était convié mais personne n’est venu. Le seul moment où on voit son représentant, c’est quand on est assigné en justice » .
Le porte-monnaie de la mairie est insuffisant
Après avoir obtenu du tribunal de grande instance de Paris deux délais successifs, le squat est désormais sur la sellette. À tout moment, la préfecture peut ordonner l’expulsion. « Le 14 (mai), six camions de CRS ont débarqué au squat de l’Impasse pour le vider. Maintenant, ils peuvent faire pareil ici » , lance Joackim, imperturbable et lucide quant aux pratiques répressives du gouvernement.
Le collectif demande pourtant à la préfecture de geler sa décision jusqu’à la réponse du ministère. Si ce dernier cesse de faire la sourde oreille, ce sera au tour de la mairie de tenir ses promesses. Toutefois, le maire du XIe, Patrick Bloche, joint par téléphone, tient à nuancer l’espoir des squatteurs : « C’est vrai que nous les avons reçus et que nous les soutenons. Mais ce n’est pas la mairie du XIe qui a les moyens de racheter cet immeuble à l’Etat. Dès qu’il sera mis en vente, ce que je suppute, je saisirai la mairie de Paris pour le rachat. Mais la décision finale ne m’appartient pas. » Dans cet imbroglio juridico-administratif, ce sont les squatteurs qui, une fois encore, risquent de trinquer. Et ce n’est pas la loi DALO qui les protègera.
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