Le mois de juin sera-t-il chaud ?

Réformes et crise énergétique provoquent la montée des conflits sociaux, et plusieurs mouvements de contestation sont prévus ces jours-ci. Mais les syndicats manquent d’unité pour peser sur le gouvernement.

Thierry Brun  • 12 juin 2008 abonné·es

Les mouvements sociaux se multiplient, les enquêtes d’opinion indiquent un rejet important de la politique économique et sociale, la grogne monte contre la hausse des prix du carburant et la vie chère… Si l’on ajoute à la crise énergétique et écologique le contexte de course aux profits et un gouvernement déterminé à passer en force pour démanteler les protections sociales, tous les ingrédients sont réunis pour que le mois de juin connaisse un pic de conflits.

Illustration - Le mois de juin sera-t-il chaud ?


François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, et Bernard Thibault, secrétaire national de la CGT. Verdy/AFP

Signal fort lancé à la droite et au Medef, le projet de loi «portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail» cristallisera la contestation le 17~juin, lors d’une journée d’action, de manifestations et d’arrêts de travail dans tous les secteurs, public et privé. Assimilé à un démantèlement des lois Aubry sur les 35~heures, le texte a suscité un front commun inédit entre la CGT et la CFDT, pourtant seules confédérations signataires de la position commune du 10~avril sur la représentativité syndicale, qui a servi à la rédaction du projet de loi.

Espérant la convergence de mouvements en cours, le secrétaire national de la CGT, Bernard Thibault, compte sur une forte mobilisation : *«Si nous pouvions parvenir au million de manifestants, ce serait bien, afin de montrer au gouvernement qu’il s’engage dans la mauvaise voie avec sa réforme sur les retraites, et en remettant en cause les 35~heures.»
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Malgré leur opposition à la position commune, la FSU et l’Union syndicale Solidaires se joindront à cette journée du 17~juin. «Le gouvernement profite cyniquement de la position commune adoptée pour en finir avec les 35~heures et vider de son contenu la notion même de durée légale du travail», a souligné Annick Coupé, porte-parole de l’Union syndicale Solidaires (syndicats SUD), lors du congrès de cette dernière, qui s’est tenu du 3 au 5~juin.

Le ton est à la radicalité : «Il faut préparer les conditions pour que cet affrontement inévitable soit victorieux, en faisant converger toutes les mobilisations pour mettre un coup d’arrêt aux attaques actuelles et imposer une autre politique économique et sociale», estime-t-on chez les Solidaires, alors que la colère des marins pêcheurs couve encore, et que les mécontentements sociaux s’étendent aux agriculteurs et aux transporteurs routiers. Les motifs de grogne sont certes distincts, et l’unité syndicale est limitée, mais ces activités ont en commun d’être dans une logique de concurrence libre et non faussée, que les marins pêcheurs ont dénoncée dans leur mouvement.

«La logique du libre accès de l’espace pêche européen à tous les pays de l’Union pousse les pêcheurs à se concentrer sur les zones les plus riches et à capturer au plus vite les quotas qui leur sont impartis. Le système profite aux grosses unités», pointe Nicolas Mayer, secrétaire général adjoint du Syndicat national des personnels de l’administration de la mer-CGT
[^2]. La Confédération paysanne ajoute que la crise énergétique «oblige à repenser les modes de production et de consommation. Les systèmes d’exploitation agricoles énergivores ne sont pas durables. La baisse des prix des produits, l’absence de répartition des marges au sein des filières et l’augmentation de l’ensemble des charges menacent aujourd’hui la survie de nombreux paysans».
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La succession de mouvements sociaux dans la Fonction publique et la SNCF a aussi entretenu l’agitation sociale. Chacune de son côté, la CGT, FO et SUD-Rail ont appelé le 10~juin à la grève reconductible pour dénoncer une privatisation rampante de la branche fret de la SNCF. Et, dans une déclaration commune, les associations d’usagers et de défense de l’environnement (France nature environnement, Réseau action climat, Amis de la Terre, Fondation Nicolas-Hulot, WWF, les usagers du transport de la Fnaut, Greenpeace) ont critiqué cette orientation de la SNCF, *«qui occasionne de fait des centaines de milliers de camions supplémentaires sur les routes, [ce qui] n’est plus soutenable par la société»
. Elles exigent «une autre stratégie de développement» et «la prise en compte d’orientations socio-économiques permettant à la SNCF, service public, de répondre aux attentes de la société et aux enjeux qu’elle pose».
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Dans la Fonction publique, trois organisations syndicales (CGT, FSU et Solidaires) ont appelé à faire grève et à manifester le 10~juin pour l’emploi et contre les réductions d’effectifs. Ces syndicats dénoncent notamment le projet de loi sur la mobilité des fonctionnaires, examiné par l’Assemblée nationale les 11 et 12~juin. Les syndicats contestent également la Révision générale des politiques publiques (RGPP), qui facilite les *«suppressions massives de postes»
dans la Fonction publique et la mise en cause des services publics.

Ferme sur le maintien de ses réformes, le gouvernement peut cependant compter sur l’étiolement des mouvements sociaux. En associant la réforme de la représentativité à celle sur le temps de travail dans un projet de loi, Matignon s’est transformé en un puissant moteur de divisions syndicales, tout en redistribuant les cartes du syndicalisme à six mois des élections prud’homales. Il se donne en tout cas les moyens d’imposer aux forceps un modèle économique très libéral, loin des attentes sociales.

[^2]: Dans À gauche, n°~1129 du 3~juin, lettre hebdomadaire de Pour la République sociale.

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